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N.5
Le rôle des laboratoires de référence de l'Union européenne lors d'une crise de sécurité alimentaire
L'expérience du LR-UE pour Escherichia coli lors de la récente épidémie d'E. coli O104:H4
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Le rôle du laboratoire de référence de l'UE pour E. coli
Depuis 2007, le LR-UE coordonne l'élaboration d'une norme internationale sur la détection des VTEC dans les denrées alimentaires et aliments pour animaux. La méthode est basée sur l'utilisation de la PCR en temps réel de cultures enrichies et vise à identifier les sérogroupes VTEC les plus impliqués dans les maladies humaines graves. Elle est sur le point d'être publiée en tant que spécification technique CEN ISO TDS 13136 appelée « Méthode horizontale pour la détection d'Escherichia coli producteurs de Shiga-toxines (STEC) appartenant aux sérogroupes O157, O111, O26, O103 et O145 - Méthode qualitative » et est recommandée par l'EFSA pour la détection des VTEC non-O157 dans les échantillons de denrées alimentaires dans le cadre des programmes de surveillance (EFSA, 2009). La méthode cible aussi bien les gènes de virulence (vtx1 et vtx2, et eae) que les gènes spécifiques de sérogroupe, et le LR-UE a organisé quatre séries d'essais d'aptitude sur son utilisation. Au total 31 LNR ont participé aux essais et ont reçu les souches témoins de référence. Les rapports sont disponibles sur le site internet du LR-UE.
La première étape de détection par PCR de la spécification CEN ISO TDS 13136 cible un gène
vtx2 qui est également présent dans la souche épidémique VTEC O104:H4. Par conséquent, lorsque l'épidémie s'est déclarée et qu'il est devenu urgent de rechercher des VTEC O104:H4 dans les denrées alimentaires, quasiment tous les LNR disposaient déjà d'une méthode appropriée pour contrôler les échantillons alimentaires et exclure la présence d'un quelconque type de VTEC. Toutefois, les étapes séquentielles prévues par la méthode n'ont pas pu être appliquées aux échantillons positifs pour vtx, puisque la souche épidémique VTEC O104:H4 ne contenait pas le gène eae, qui constitue la seconde cible de la méthode.
Grâce aux données de la littérature (Bugarel et al. 2010) et aux séquences ADN disponibles dans la banque de gènes, le LR-UE a mis au point un mode opératoire (SOP) pour la détection de la souche VTEC O104:H4 dans des échantillons d'aliments et pour le typage des souches isolées. Dans ce mode opératoire, les échantillons positifs pour
vtx sont soumis à des PCR afin d'identifier les gènes associés aux antigènes O104 (wzxO104) et H4 (fliCH4). La méthode incluait également des protocoles détaillés pour l'isolement et la caractérisation complète de la souche VTEC O104:H4 à partir des échantillons identifiés positifs par la PCR. Une première version provisoire du SOP a été publiée sur le site internet du LR-UE le 27 mai, soit trois jours après l'annonce de la survenue de l'épidémie. La méthode a été évaluée le 1er juin, lorsqu'une souche épidémique VTEC O104:H4 de référence a été obtenue à l'Institut Robert Koch, et une seconde révision a été publiée le 2 juin, après un échange approfondi avec plusieurs LNR.
Au moyen de la souche de référence, le LR-UE a préparé et diffusé des échantillons d'ADN destinés à être utilisés comme témoins positifs dans les tests de biologie moléculaire pour la détection de la souche VTEC O104:H4. Entre le 3 juin et le 6 juin, ces préparations d'ADN de référence ont été envoyées aux LNR de 14 États membres de l'UE. Au cours des deux semaines suivantes, les échantillons ont été fournis à 4 autres LNR, à 19 autres laboratoires européens, et à 5 laboratoires en dehors de l'Europe. En outre, des scientifiques des LNR bulgare et polonais et de l'Université de Kafkas, en Turquie, se sont rendus dans le laboratoire de référence de l'UE pour les VTEC en juillet, afin d'y suivre une formation pratique sur les procédures analytiques.
La mise en cause des graines germées considérées comme source possible de l'épidémie a nécessité l'analyse des graines utilisées pour la production des germes destinés à être consommés crus. Étant donné que les essais sur les graines posent des problèmes techniques, le LR-UE a actualisé la SOP pour la détection des VTEC O104 en intégrant une annexe spécifiquement consacrée à ce sujet. La procédure actualisée a été publiée le 14 juin sur le site internet du LR-UE. De surcroît, pour soutenir les LNR des États membres impliqués dans le RASFF (Système d'alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux) des graines et pour harmoniser les procédures mises en œuvre dans les différents laboratoires, le LR-UE a organisé une étude inter-laboratoires sur la détection des VTEC dans les graines. L'étude, réalisée en juillet, a inclus huit laboratoires et les résultats sont disponibles sur le site internet du LR-UE.
Pendant toute la durée de la crise, le laboratoire de référence de l'UE pour les VTEC a fourni une assistance scientifique et technique à la DG SANCO. En particulier, le LR-UE a pris part à un groupe de travail qui incluait également les unités C/3 et G/4 de la DG SANCO, les points de contact du SAPR (Système d'alerte précoce et de réaction), les points de contact du RASFF, et des représentants de l'ECDC, de l'EFSA, et du Bureau régional de l'OMS pour l'Europe. Les objectifs du groupe étaient de fournir une mise à jour régulière de la situation épidémiologique et des recherches dans les États membres et de discuter de tous les problèmes potentiels liés à l'épidémie. Le groupe s'est réuni régulièrement par audioconférences au cours de la période comprise entre le 26 mai et le 30 juin. Les scientifiques du LR-UE ont également participé aux initiatives et groupes de travail suivants instaurés par l'EFSA et /ou l'ECDC :
- Préparation du rapport scientifique « 
Urgent advice on the public health risk of Shiga-toxin producing Escherichia coli in fresh vegetables ».
- Le groupe de travail de l'EFSA mis en place pour coordonner la traçabilité en amont des graines impliquées dans l'épidémie. Le groupe de travail a produit le rapport technique « 
Tracing seeds [with a particular emphasis on fenugreek (Trigonella foenum-graecum)] in relation to the O104:H4 Shiga toxin-producing E. coli 2011 Outbreak(s) » (EFSA, 2011a).
- L'évaluation conjointe EFSA/ECDC de l'épidémie VTEC O104, avec la préparation d'un document destiné à fournir une présentation générale et à servir de référence pour les mesures de gestion des risques, intitulé «
STEC O104:H4 2011 Outbreaks in Europe: Taking Stock » (EFSA, 2011b).
- Le groupe de travail « ad hoc » de l'EFSA mis en place pour émettre un avis scientifique sur « 
The risk posed by Shiga toxin producing E. coli (STEC) and other pathogenic bacteria in seeds and sprouted seeds ». L'avis sera publié fin novembre 2011.
Le LR-UE a également participé à une mission d'inspection en Égypte effectuée par l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) pour réaliser l'exercice de traçabilité en amont des lots importés de graines de fenugrec et évaluer les systèmes de production en place, y compris les contrôles de laboratoire. La mission a été effectuée en août et le rapport est consultable en ligne.
Enfin, le LR-UE a été chargé d'effectuer des essais de laboratoire sur des échantillons alimentaires et des cultures bactériennes venant d'Allemagne, et sur des échantillons de graines venant d'Égypte.

Réflexions sur les évènements
- La souche épidémique VTEC O104:H4 a présenté une combinaison inhabituelle de gènes de virulence, lui conférant un degré élevé de virulence. Cela confirme que les recombinaisons au sein des bactéries entériques peuvent générer de nouveaux phénotypes qui, une fois introduits dans une population vulnérable, peuvent poser de graves problèmes de santé publique.
- L'épisode a confirmé que la contamination de la chaîne alimentaire végétale par le VTEC peut déboucher sur de vastes foyers épidémiques majeurs.
- Outre les coûts humains, cette épidémie a entrainé une baisse considérable de la confiance des consommateurs dans la consommation des légumes, d'où la baisse de la demande sur l'ensemble du marché des légumes, et des conflits commerciaux entre l'UE et des pays tiers tels que la Fédération de Russie et l'Égypte, respectivement pour l'exportation et l'importation de légumes.
- Lorsque les foyers épidémiques sont apparus, et qu'il s'est avéré urgent de tester les aliments, le réseau des laboratoires de référence de l'UE pour
E. coli disposait déjà d'une méthode de détection adaptée, éprouvée par plusieurs séries d'essais d'aptitude. La méthode a été rapidement modifiée en vue d'intégrer la spécificité de la souche VTEC O104:H4 et les matériaux de référence adéquats ont été diffusés aux LNR.
- La capacité d'un réseau de laboratoires à déployer une réponse rapide et efficace en cas d'urgence dépend largement des activités menées en amont, notamment en matière d'échange de méthodes et de matériaux de référence et de participation aux études inter-laboratoires.
- Les laboratoires de référence de l'UE, de par leurs activités, peuvent jouer un rôle important dans la préparation de la Commission européenne à faire face à des crises de sécurité alimentaire.
Références

1. Bugarel M., Beutin L., Martin A., Gill A., Fach P. 2010. Micro-array for the identification of Shiga toxin-producing Escherichia coli (STEC) seropathotypes associated with Hemorrhagic Colitis and Hemolytic Uremic Syndrome in humans. Int J Food Microbiol., 142: 318-29.

2. Caprioli A., Morabito S., Brugère H., Oswald E. 2005. Enterohaemorrhagic Escherichia coli: emerging issues on virulence and modes of transmission. Vet. Res., 36: 289-311

3. Caprioli A., Morabito S., Scavia G., Tozzoli R., Graziani C., Ferreri C., Minelli F., Marziano M.L., Babsa S. 2010. The European Union Reference Laboratory for Verocytotoxin (VT)-producing Escherichia coli (VTEC), hosted by the Istituto Superiore di Sanità, Rome. EuroReference, No. 4, ER04-10F01, http://www.ansespro.fr/euroreference/numero4/PN40I0.htm

4. European Food Safety Authority. 2009. Technical specifications for the monitoring and reporting of verotoxigenic Escherichia coli (VTEC) on animals and food (VTEC surveys on animals and food) on request of EFSA. EFSA Journal, 7(11):1366.

5. European Food Safety Authority. 2011a. Tracing seeds, in particular fenugreek (Trigonella foenum-graecum) seeds, in relation to the Shiga toxin-producing E. coli (STEC) 104:H4 2011 Outbreaks in Germany and France. Available at http://www.efsa.europa.eu/en/supporting/doc/176e.pdf

6. European Food Safety Authority. 2011b. Shiga toxin-producing E. coli (STEC) O104:H4 2011 outbreaks in Europe:Taking Stock. EFSA Journal, 9(10):2390.

7. Frank C., Werber D., Cramer J.P., Askar M., Faber M., an der Heiden M., Bernard H., Fruth A., Prager R., Spode A., Wadl M., Zoufaly A., Jordan S., Kemper M.J., Follin P., Müller L., King L.A., Rosner B., Buchholz U., Stark K., Krause G. for the HUS Investigation Team. 2011. Epidemic Profile of Shiga-Toxin-Producing Escherichia coli O104:H4 Outbreak in Germany. N. Engl. J. Med. 365:1771-1780

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10. Morabito S., Karch H., Mariani-Kurkdjian P., Schmidt H., Minelli F., Bingen E., Caprioli A. 1998. Enteroaggregative, Shiga toxin-producing Escherichia coli O111: H2 associated with an outbreak of hemolytic-uremic syndrome. J Clin Microbiol. 36:840-2.

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