Accueil EuroReference
Langue: Francais
Langue: Anglais
Accueil EuroReference
www.anses.fr
N.6
Le rôle des laboratoires de référence de l'Union européenne lors d'une crise de sécurité alimentaire
L'expérience du LR-UE pour Escherichia coli lors de la récente épidémie d'E. coli O104:H4


A.Caprioli (1), S. Morabito (1), K. De Smet (2)

(1) Laboratoire de référence de l'UE pour Escherichia coli, Dipartimento di Sanità Pubblica Veterinaria e Sicurezza Alimentare, Istituto Superiore di Sanità, Viale Regina Elena 299, 00161 Rome, Italie
(2) Commission européenne, Direction générale de la santé et des consommateurs (DG SANCO), 1049 Bruxelles, Belgique

NB : Les points de vue ou positions exprimés dans ce texte sont ceux des auteurs et ne peuvent ni ne sauraient être considérés comme représentatifs du point de vue, de la position ou de la politique de la Commission européenne.

A.Caprioli, S. Morabito, K. De Smet (2012).
Le rôle des laboratoires de référence de l'Union européenne lors d'une crise de sécurité alimentaire : l'expérience du LR-UE pour Escherichia coli lors de la récente épidémie d'E. coli O104:H4, EuroReference, No. 6, ER06-12P01.
http://www.ansespro.fr/euroreference/numero6/PN2001.htm
Les laboratoires de référence de l'Union européenne (LR-UE) sont instaurés et financés par la Direction générale de la santé et des consommateurs (DG SANCO) pour aider la Commission européenne (CE) à faire face à des risques spécifiques liés à l'alimentation humaine et animale ou à des maladies animales spécifiques, conformément au règlement (CE) n°882/2004 relatif aux contrôles officiels. Lorsqu'un LR-UE est instauré, les États membres (EM) doivent désigner leur propre laboratoire national de référence (LNR) relevant du même domaine de compétence, afin de créer un réseau de laboratoires de l'UE sur ce thème. Les tâches et fonctions des LR-UE et des LNR sont respectivement décrites en détail aux articles 32 et 33 du règlement (CE) n°882/2004. Dans la pratique, les LR-UE sont chargés de : (1) développer des méthodes d'analyse de référence ; (2) coordonner l'application de ces méthodes par les LNR, notamment en organisant des essais d'aptitude ; (3) coordonner le réseau des LNR en les informant des progrès dans le domaine, en leur fournissant des matériaux de référence et en organisant des cours de formation spécifique sur des méthodes d'analyse ; et (4) apporter une assistance scientifique et technique à la Commission, en particulier à la DG SANCO et à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Les LNR sont pour leur part chargés d'assurer la collaboration avec leur LR-UE respectif, la coordination des activités des laboratoires impliqués dans les contrôles officiels de leur propre pays, y compris l'organisation des essais d'aptitude, la diffusion des informations reçues du LR-UE, et l'assistance scientifique et technique à leurs autorités. Si tous les membres des réseaux s'acquittent de leurs tâches, les méthodes analytiques, les matériaux de référence, et les essais d'aptitude sont transmis par les LR-UE aux LNR, qui à leur tour les transmettent aux laboratoires locaux impliqués dans les contrôles officiels. L'objectif final de ces activités est qu'une quelconque denrée alimentaire produite ou importée dans un quelconque État membre de l'UE soit testée à l'aide des mêmes méthodes de pointe et avec des niveaux de maîtrise comparables. La valeur ajoutée de ces réseaux peut s'avérer particulièrement importante en cas de crise dans le domaine de la sécurité alimentaire affectant différents États membres : il est alors essentiel de pouvoir tester des aliments à l'aide de méthodes fiables, rapides et normalisées afin de fournir aux autorités compétentes les données nécessaires pour planifier des mesures de lutte adéquates et informer les consommateurs de manière appropriée.
La présente note a pour objet de décrire l'expérience du LR-UE pour
Escherichia coli lors des récents foyers épidémiques d'E. coli O104:H4 survenus en Europe et d'examiner dans quelle mesure les activités effectuées aux cours des dernières années par notre réseau de laboratoires de référence pour E. coli ont aidé l'UE à se préparer à faire face à une telle crise.

Le laboratoire de référence de l'UE pour E. coli
Les infections à VTEC (E. coli producteurs de vérotoxines) constituent un problème majeur de santé publique, parce qu'elles peuvent entraîner de graves maladies telles que la colite hémorragique et le syndrome hémolytique et urémique (SHU), et aussi en raison du nombre important de foyers se déclarant dans le monde entier (Caprioli et al., 2005). En conséquence, les infections à VTEC ont été incluses dans la liste des zoonoses qui font l'objet d'une attention prioritaire dans les programmes de surveillance conformément aux dispositions de la directive 2003/99/CE ; de plus, la CE a mis en place un laboratoire de référence de l'UE pour Escherichia coli producteur de vérotoxine en 2006.
Le LR-UE pour les VTEC est hébergé par l'Istituto Superiore di Sanità (ISS) à Rome et ses caractéristiques et ses activités ont déjà été décrites dans ce Journal (Caprioli
et al., 2010). Le réseau des LNR coordonnés par le LR-UE pour les VTEC inclut tous les États membres de l'UE, ainsi que des laboratoires d'autres pays européens (www.iss.it/vtec).

L'épidémie d'E. coli O104:H4 et ses sources possibles
Entre mai et juin 2011, une grave épidémie de diarrhée sanglante et de SHU associée à une infection à VTEC de sérotype inhabituel (E. coli O104:H4) s'est produite en Allemagne. De nombreux cas ont été rapportés dans d'autres pays européens, mais la plupart d'entre eux avaient contracté l'infection en voyageant en Allemagne. Le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC) faisait état de plus de 4 000 cas, avec 786 cas de SHU et 46 décès.
(http://ecdc.europa.eu/en/activities/sciadvice/Pages/Epidemiological_Updates.aspx)
Les premières études épidémiologiques mettaient en évidence la consommation de salades composées comme principal facteur de risque pour contracter l'infection, et les analyses microbiologiques préliminaires désignaient les concombres importés d'Espagne comme source possible. Toutefois, les analyses complémentaires ne confirmaient pas la présence de la souche épidémique dans les concombres. Début juin, d'autres études épidémiologiques ont révélé que la consommation de graines germées produites par un seul producteur allemand était à l'origine de l'épidémie. Mais toutes les études microbiologiques effectuées par les autorités allemandes sur les germes, sur les graines utilisées pour la germination et sur les structures des installations ne parvenaient pas à isoler la souche épidémique (Frank et al. 2011).
Le 24 juin, un foyer distinct dû à un isolat de VTEC O104:H4 similaire à la souche épidémique allemande a été signalé en France (Gault et al. 2011). L'épisode impliquait 16 patients adultes et aucun lien direct avec l'Allemagne n'était mis en évidence. Toutefois, les patients avaient participé à une fête d'école au cours de laquelle ils avaient mangé des graines germées crues cultivées au sein même de l'école par les enfants. Ce second foyer étayait fortement l'hypothèse selon laquelle les graines germées étaient à l'origine de l'épidémie. La seule espèce de germes cultivée à la fois par l'école française et par le producteur allemand était le fenugrec, et les analyses de traçabilité en amont coordonnées par l'EFSA ont montré que dans les deux cas les graines provenaient de la même exploitation agricole en Égypte (EFSA, 2011a).

La souche E. coli responsable de ces foyers
La souche épidémique appartient au sérotype peu courant O104:H4 et, fait surprenant, ne possède pas le gène eae, marqueur génétique du mécanisme d'adhésion à la muqueuse intestinale par le processus d'attachement-effacement, marqueur qui est présent dans les sérogroupes VTEC le plus souvent associés à des maladies humaines graves. Toutefois, le sérotype O104:H4 présente un mode d'adhésion caractéristique nommé adhésion entéroaggrégative, typique d'un autre groupe de souches E. coli diarrhéogènes (Scheutz. et al. 2011). Le séquençage du génome a confirmé que la souche épidémique est une souche d'E. coli entéroaggrégative (EAEC) qui a acquis un phage porteur de VT (Mellmann et al. 2011). Cette combinaison inhabituelle de gènes de virulence avait déjà été décrite dans une souche VTEC O111 isolée à partir d'un foyer de SHU (Morabito et al. 1998) et pourrait expliquer la forte virulence de VTEC O104:H4.
Le LR-UE pour Escherichia coli a joué un rôle actif lors des récents foyers épidémiques d'E. coli O104:H4 survenus en Europe. Sur la base des activités menées au cours de l'année précédente, une méthode de détection de la souche épidémique dans les aliments a été rapidement mise au point et diffusée à l'ensemble du réseau de laboratoires nationaux de référence (LNR), accompagnée des matériaux de référence appropriés. Le LR-UE a également testé différents types d'échantillons et organisé une étude inter-laboratoires sur la détection des VTEC (E. coli producteurs de vérotoxines) dans les graines utilisées pour la production de germes. Pendant toute la durée de la crise, le LR-UE a fourni un soutien scientifique et technique constant à la DG SANCO. De surcroît, le LR-UE a participé à la mission d'inspection effectuée par l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) en Égypte et a pris part à plusieurs initiatives et groupes de travail instaurés par l'EFSA et/ou l'ECDC. L'expérience des foyers épidémiques d'E. coli O104:H4 a confirmé que les activités des laboratoires de référence de l'Union européenne peuvent apporter une contribution non négligeable à la préparation de la Commission européenne aux éventuelles crises de sécurité alimentaire.
Point de vue
Télécharger/imprimer l'article (PDF)
Le rôle des laboratoires de référence de l'Union européenne lors d'une crise de sécurité alimentaire
L'expérience du LR-UE pour
Escherichia coli lors de la récente épidémie d'E. coli O104:H4
>>Page 1
>>Page 2

>>Lire la suite

Page 1  Page 2  Lire la suite