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Sûreté et sécurité biologiques et référence : impact des réglementations
nationales et européennes en matière de confinement biologique
de niveau 3 et 4




A. Tierno (1), E. Plateau (2)
(1) Anses, Mission Hygiène Sécurité et Défense, Maisons-Alfort, France, France
(2) Anses, Mission Hygiène Sécurité et Défense, Maisons-Alfort, France



A. Tierno, E. Plateau (2012). Sûreté et sécurité biologiques et référence : impact des réglementations nationales et européennes en matière de confinement biologique de niveau 3 et 4, EuroReference, No. 7, ER07-12PV01.
http://www.ansespro.fr/euroreference/numero7/PN2001.htm
Dans le contexte actuel de notre société, les enjeux liés à la "sécurité" occupent une place de plus en plus importante. Mais qu'appelle-t-on "sécurité" ? Le dictionnaire français Larousse la définit très simplement comme une "situation dans laquelle quelqu'un, quelque chose n'est exposé à aucun danger, aucun risque, en particulier d'agression physique, d'accident, de vol, de détérioration." Appliquée au domaine biologique, la sécurité est une notion bien plus complexe, en pleine expansion, et qui a de profonds impacts sur le travail en laboratoire et notamment au sein des laboratoires de référence.

Les notions de sécurité et de sûreté biologiques
Ces termes et notions ont souvent été utilisés dans des sens inexacts en relation notamment avec des traductions des termes anglais de "biosafety" et "biosecurity".
Une définition officielle a été donnée dans le code de la santé publique français (10). On entend par :
- Sécurité biologique : l'ensemble des mesures et des pratiques visant à protéger les personnes et l'environnement des conséquences liées à l'infection, à l'intoxication ou à la dissémination de microorganismes ou de toxines (en anglais "biosafety") ;
- Sûreté biologique : l'ensemble des mesures et des pratiques visant à prévenir les risques de perte, de vol, de détournement ou de mésusage de tout ou partie de microorganismes ou de toxines dans le but de provoquer une maladie ou le décès d'êtres humains (en anglais "biosecurity").

Afin de ne pas dissocier sécurité et sûreté biologiques, il est souvent fait appel à la notion de biorisque pour traiter des différentes mesures d'évaluation et de prévention mises en œuvre dans les établissements détenant ou manipulant des microorganismes pathogènes.
Ces définitions suivent celles recommandées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (1). La première édition du manuel de sécurité biologique de l'OMS remonte à 1984. Son rôle était d'inciter les pays manipulant des microorganismes dangereux pour l'homme, à mettre en place une règlementation en matière de sécurité biologique. Pour cette époque, c'était une démarche extrêmement innovante ; il aura fallu plusieurs années avant que les législateurs prennent conscience de l'importance de la sécurité biologique comme branche de la protection des travailleurs et la prennent pleinement en compte.
La sûreté biologique était théoriquement couverte par le protocole de Genève (20) remontant à 1925 et par les conventions internationales sur l'interdiction des armes chimiques (9) et biologiques (8), mais ce n'est que récemment que les risques liés à une utilisation frauduleuse, par des organisations non étatiques ou des individus isolés, de germes pathogènes pour l'homme ou l'environnement, ont amené à revoir entièrement les textes règlementaires de nombreux pays sur ce sujet. L'introduction de sanctions pénales lourdes envers les contrevenants a représenté un réel bouleversement des mentalités, ainsi que des habitudes de travail du chercheur.
Dans un cas comme dans l'autre, les dispositifs règlementaires comportent d'une part une ou plusieurs listes d'agents concernés et d'autre part des dispositions physiques et organisationnelles diverses auxquelles les laboratoires doivent répondre. Ces textes sont distincts afin de garantir toute possibilité d'adaptation en fonction de l'évolution des connaissances et de la menace.
Compte tenu des classes de risques auxquelles appartiennent la plupart des microorganismes manipulés dans les laboratoires de référence, cette question revêt une très grande importance en termes d'organisation et de moyens matériels et humains associés.
En l'attente de l'adoption définitive de textes européens et nationaux sur la sûreté biologique, cet aspect doit être traité avec une certaine prudence mais les grandes orientations sont connues notamment à travers des groupes de réflexion et documents spécifiques, d'autant qu'il est souvent difficile, comme signalé précédemment, tant dans les recommandations des experts que dans la pratique et la vie quotidienne des laboratoires, de séparer ces deux domaines. Certaines mesures visant la sécurité biologique ont naturellement des implications en sûreté biologique et réciproquement; par exemple des dispositifs de conservation des souches de microorganismes et les procédures d'accès à ces microorganismes.

La règlementation européenne
Divers textes nationaux et européens existaient depuis les années 1990 mais au niveau européen, la directive 2000/54/CE (11) concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail a rendu obligatoires les prescriptions minimales particulières visant à garantir un meilleur niveau de sécurité et de santé aux travailleurs exposés aux agents biologiques.
Ce texte entérine une classification européenne unique des agents biologiques en quatre groupes de risques en fonction de l'importance du risque d'infection qu'ils présentent selon les définitions de l'OMS (2):
1) un agent biologique du groupe 1 n'est pas susceptible de provoquer une maladie chez l'homme ;
2) un agent biologique du groupe 2 peut provoquer une maladie chez l'homme et constituer un danger pour les travailleurs; sa propagation dans la collectivité est improbable; il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace ;
3) un agent biologique du groupe 3 peut provoquer une maladie grave chez l'homme et constituer un danger sérieux pour les travailleurs; il peut présenter un risque de propagation dans la collectivité, mais il existe généralement une prophylaxie ou un traitement efficace;
4) un agent biologique du groupe 4 provoque des maladies graves chez l'homme et constitue un danger sérieux pour les travailleurs; il peut présenter un risque élevé de propagation dans la collectivité; il n'existe généralement pas de prophylaxie ni de traitement efficace.

La directive donne également des indications concernant les mesures de confinement physique à mettre en place dans le laboratoire entreprenant des travaux qui impliquent la manipulation des agents biologiques de groupes 2, 3 ou 4 : niveau de confinement 2 pour un agent du groupe 2, niveau 3 pour un agent du groupe 3, niveau 4 pour un agent du groupe 4 (annexe V de la directive).
Il faut souligner le fait que cette règlementation s'applique uniquement aux agents pathogènes pour l'homme. Les agents zoonotiques sont donc naturellement concernés par celle-ci mais, jusqu'à présent, les agents pathogènes pour animaux uniquement ne le sont pas à l'exception du virus de la fièvre aphteuse dont les conditions de détention/manipulation/échanges sont soumises à la directive 2003/85/CE du conseil du 29 septembre 2003 (12) établissant des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse. Les laboratoires concernés peuvent faire l'objet d'inspection et, en cas d'insuffisance des mesures mises en œuvre, se voir retirer leur agrément européen. Concernant les autres agents non zoonotiques, une classification européenne a été proposée (21) mais elle n'a pas été suivie d'adoption formelle dans chaque pays de mesures règlementaires contraignantes à quelques exceptions près, notamment au Royaume-Uni. Toutefois, il faut signaler que la dernière version du manuel terrestre de l'OIE (19) consacre un chapitre entier à la sécurité et à la sûreté biologiques (7) pour les maladies animales y compris les maladies non zoonotiques. Ceci traduit une préoccupation croissante vis à vis de ces risques, préoccupation d'autant plus grande que la maîtrise voire l'éradication de certaines maladies dans les régions les plus développées du monde rendrait leur réintroduction économiquement catastrophique.

Concernant la sûreté biologique, la crainte du bioterrorisme et la possibilité de mesures de restriction aux échanges de produits biologiques entre pays ayant une législation très stricte (24) et les autres pays, notamment de l'UE, devraient entraîner la publication de recommandations suivies éventuellement à l'avenir de règlements ou de directives. Une liste restreinte d'agents va être établie par accord international au sein de l'Union Européenne avec l'EU CBRN Action Plan(15), toutefois d'autres listes plus étendues sont en cours de discussion notamment autour du groupe dit « groupe Australie » (17). Le "groupe Australie", actuellement constitué de 25 pays adhérents, s'est attaché à dresser une liste actualisée d'agents biologiques susceptibles de servir d'agents de guerre bactériologique. Si cette liste reprend des agents dont l'usage militaire est avéré (charbon) et d'autres possibles (tularémie, brucella), certains d'entre eux sont encore controversés.

Au plan européen, les principaux documents existant sur la sûreté et la sécurité biologiques et les principales initiatives concertées sont actuellement les suivants :
- Publication de "Biosafety Europe" (avril 2006 - novembre 2008) : coordination, harmonisation et échange sur les pratiques en sécurité et sûreté biologiques au sein d'un réseau européen, dans le cadre du sixième programme cadre pour la recherche et le développement technologique (6ème PCRDT de la Commission Européenne), dont les conclusions appellent à une harmonisation des pratiques dans le domaine (4) ;
- Création de l'European BioSafety Association (EBSA) en juin 1996 (16), dont le but est de développer les connaissances et la compréhension de problématiques liées à la sécurité et sûreté biologiques et ce, au niveau européen. L'EBSA cherche à faire avancer la législation et les standards émergents et devra agir en point focal sur la consolidation des points de vue ;
- Décision de la Commission Européenne du 30 novembre 2009 d'implémenter le plan d'action NRBC au niveau européen entre 2010 et 2014, notamment via les 264 recommandations des experts de la "task force NRBC" (14). En dehors des risques chimiques, radiologiques et nucléaires, un grand nombre (83) de recommandations concerne naturellement la sécurité et sûreté biologiques ;
- Publication par le Comité Européen de Normalisation de 2 documents : le CWA 15793 :2008 (5) «Laboratory Biorisk management standard» pour développer et promouvoir l'adoption de standards reconnus pour le management du risque biologique et le CWA 16335 :2011 Biosafety Professionnal (BSP) Competence (6) dont le but est de décrire les compétences d'un professionnel de la sécurité et sûreté biologiques ;
- Publication du Livre vert sur la préparation à la menace biologique (18). Le Livre Vert dresse l'état des lieux de la menace et des risques face à une utilisation terroriste d'agents biologiques et formule 35 questions sur les moyens de réduire cette menace et ces risques ;
- Directive 98/81/CE du Conseil du 26 obtobre 1998 modifiant la directive 90/219/CEE relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (13). Destinée à protéger l'environnement et les travailleurs contre l'exposition à des risques accrus du fait de la modification du patrimoine génétique de certains microorganismes, cette directive prévoit notamment l'obligation pour l'utilisateur de procéder à une évaluation des risques induits par les modifications proposées (article 5). Concernant les microorganismes de classe 3 et 4, l'autorisation est laissée à la discrétion de l'autorité compétente et, quelle que soit la classe concernée, en cas d'hésitation sur les mesures à mettre en place, ce sont les plus strictes qui s'appliquent ;
- Règlement (CE) N°428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit de biens à double usage (22). Ce règlement concerne en premier lieu les substances et matériels d'importance stratégique et/ou pouvant être utilisées dans des programmes de défense significatifs. Les agents biologiques sont identifiés sous les 2 codes 1C 351 agents pathogènes humains zoonoses et toxines et 1C 352 Agents pathogènes animaux. D'une façon générale, la clause "attrape tout" implique en cas de doute de consulter les autorités responsables nationales préalablement à toute exportation de biens sur lesquels un doute
existe. Concrètement, ces dispositions n'ont pas de répercussions sur le fonctionnement interne des laboratoires détenant de tels agents mais elles peuvent souvent compliquer leur mission de référence internationale du fait des démarches administratives souvent longues qu'elles impliquent lors d'échanges de matériels biologiques entre laboratoires de pays différents notamment lorsqu'ils concernent des pays n'ayant pas ratifié la CIABT.

L'analyse comparative des règlementations nationales mises en place par chaque pays en vue de leur harmonisation est une tache excessivement lourde qu'il appartiendra aux instances européennes de mettre en oeuvre en son temps. On notera toutefois quelques exemples non exhaustifs (3) :
- En France, la sécurité biologique est régie par la classification des agents biologiques pathogènes fixée par arrêté du 18 juillet 1994 et par l'arrêté du 16 juillet 2007 fixant les mesures techniques de prévention, notamment de confinement, à mettre en oeuvre dans les laboratoires de recherche, d'enseignement, d'analyses, d'anatomie et cytologie pathologiques, les salles d'autopsie et les établissements industriels et agricoles où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à des agents biologiques pathogènes. La sûreté biologique est régie au regard de l'article L 5139-2 du code de santé publique par le décret du 30 juin 2010 remplaçant l'arrêté du 30 juillet 2004 ainsi que plusieurs arrêtés annexes et notamment par l'arrêté du 30 juin 2010 fixant la liste des microorganismes et toxines prévue à l'article 5139-1 du code de santé publique, complétés par un guide de bonnes pratiques sur la sûreté et la sécurité biologiques ;

L'attention doit être attirée sur l'exigence de répondre à un dossier technique très détaillé portant à la fois sur les personnes habilitées à détenir et manipuler ces MOT ainsi que sur la description des installations. Pour les personnes habilitées au 30 juin 2010, date de parution du décret précité, des dispositions transitoires sont valables jusqu'au 1er juillet 2012 mais une nouvelle demande d'habilitation devra être obligatoirement présentée avant cette date.

Bien entendu, il faut également inclure les diverses dispositions nationales et internationales concernant le transport de substances biologiques destinées à assurer la sécurité de tels mouvements (arrêté ADR). Ces dispositions portent naturellement sur les récipients et emballages contenant ces substances (confinement primaire et secondaire) et notamment leur résistance au choc, ainsi que sur les documents d'accompagnement et les exigences relatives aux véhicules utilisés et au personnel assurant le transport.

- En Allemagne, la Loi de Protection du Travail (Labour Protection Act, Arbeitsschutzgesetz) du 7 août 1996 ainsi que des ordonnances notamment l'ordonnance sur la sécurité et la protection au travail incluant les agents biologiques découlant de la directive 2000/54/CE régissent la sécurité et la sûreté biologiques ;
- En Belgique, la règlementation actuellement en vigueur en sécurité biologique est l'arrêté royal du 29 avril 1999 (Moniteur Belge du 07.10.1999 - p. 37917) modifiant l'Arrêté royal du 4 août 1996 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail. (Moniteur Belge du 01.10.1996 - p. 25285) ;
- En Angleterre, la directive 2000/54/CE est implémentée avec l'Acte de santé et sécurité au travail (Health & Safety at Work Act- HSWA-) de 1974 ainsi qu'avec la règlementation de 2002 sur le contrôle des substances dangereuses pour la santé (COSHH). La sûreté biologique est régie par l'acte sur le Crime and la Sécurité (Crime and Security Act) de 2001 ;
- Au Danemark, il existe un Règlement sur la sécurisation de certains agents biologiques, vecteurs et matières connexes, qui soumet la détention, la fabrication, l'utilisation et le stockage de ces derniers à un régime d'Autorisation
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Si une convergence et des normes minimales communes sont souhaitables, il est vraisemblable toutefois qu'une certaine latitude sera laissée à chaque pays pour adapter la législation en fonction de ses spécificités.

Impacts des réglementations européenne et nationales sur les laboratoires de diagnostic et de recherche/référence
La montée en puissance de la sécurité et sûreté biologiques a et aura vraisemblablement de nombreux impacts sur les laboratoires, impacts encore plus significatifs sur les laboratoires de référence étant donné leurs activités. On notera qu'il s'agit dans le plus grand nombre de cas de laboratoires de niveau 3, le nombre de laboratoires de niveau 4 officiellement déclarés étant relativement réduit au plan mondial.

On pourra citer par exemple les évolutions inéluctables suivantes :

- La mise en place au sein du laboratoire d'une organisation de la sécurité et sûreté biologiques, avec du personnel en partie ou totalement dédié à cette activité. Le CWA15793 :2008 (5) recommande la désignation d'une personne « biorisk management advisor », individu qui a l'expertise des dangers biologiques et est compétent pour conseiller la direction et le personnel sur les problèmes de management du risque biologique ;
- Un accroissement des démarches administratives probable quant aux échanges de souches entre laboratoires nationaux ou européens, notamment quand ils concernent des microorganismes et toxines considérés comme dangereux pour la santé publique (concernerait les agents zoonotiques comme
Bacillus anthracis, Brucella spp, Francisella tularensis, virus de la Fièvre de la Vallée du Rift…) ; la traçabilité des souches (inventaire, contrôle de la possession interne) sera également renforcée ;
- Un accroissement des procédures qualité du laboratoire, notamment pour décrire toutes les opérations relatives au maintien du confinement et à la protection du travailleur ;
- L'accent mis sur la sécurisation des laboratoires de façon à protéger le patrimoine biologique et éviter qu'il ne soit dérobé à des fins de bioterrorisme de toute nature. Le manuel de sécurité biologique en laboratoire, 3ème édition, préconise à chaque laboratoire (1), en fonction de ses besoins, de la nature de ses activités et des conditions locales, d'élaborer et de mettre en œuvre un programme de sûreté biologique spécifique.
Concrètement, cela obligera bien souvent à revoir, revalider et tester beaucoup d'installations existantes, parfois anciennes, adaptées à des exigences dépassées. Il en sera de même pour les procédures régulant les mouvements des personnes, des échantillons, des déchets et notamment des protocoles d'inactivation-stérilisation qui devront être validés et testés régulièrement.
Ces obligations ne seront toutefois pas nouvelles pour tous les habitués de l'accréditation et de l'assurance qualité.
Il faudra faire attention au fait que toutes ces mesures ne devront pas faire obstacle à un partage efficace des matières de référence, des échantillons cliniques et épidémiologiques et des informations qui s'y rapportent, nécessaires aux enquêtes cliniques ou de santé publique. Un programme de sûreté bien géré ne devrait pas entraver outre mesure les activités quotidiennes du personnel scientifique, ni faire obstacle à la réalisation des recherches (1).

Comme noté précédemment, les conditions de mise au point et de manipulation de micro-organismes génétiquement modifiés ont été encadrées par des textes spécifiques depuis plus de 20 ans prévoyant notamment l'analyse des risques attachés à de telles activités. Toutes recommandations, réglementations et normes élaborées depuis obligent à une description détaillée des protocoles choisis. S'il n'est déjà pas aisé de répondre à ce souci légitime dans le cas d'un processus industriel reposant pourtant sur des données déjà très bien maîtrisées, il est encore plus difficile voire impossible de prévoir de façon tangible les conditions et les étapes d'une démarche de recherche ou de développement.
Il sera donc indispensable que, dans leur analyse de risque, les chercheurs œuvrant dans ces domaines prennent bien en compte toutes les modifications qu'ils peuvent apporter au cours de leur travail par rapport au protocole initial. Les évaluateurs extérieurs devront avoir conscience de la nécessité d'une marge de manœuvre indispensable dans la conduite de tout travail de recherche.
Concernant la biologie synthétique, des inquiétudes sont nées récemment, notamment outre Atlantique, avec le développement de sociétés privées indépendantes proposant des synthèses nucléotidiques. Compte tenu de la relative banalisation des différents outils de la biologie moléculaire, les autorités sanitaires se sont inquiétées de la possibilité pour des personnes ou des groupes de modifier voire de créer des organismes pathogènes à des fins malveillantes.
Pour y faire face, ces synthèses nucléotidiques pourraient à l'avenir faire l'objet d'un contrôle spécifique et au moins d'une déclaration aux autorités. Là encore, les solutions à venir devront concilier la recherche de la sécurité et la préservation des conditions de l'innovation et du développement. Cela risque de devenir un enjeu majeur dans les années à venir et un point de discussion au niveau international tant sur les conditions de manipulation que sur la publication des séquences.

Sécurité et sûreté biologiques : une entrave ou une opportunité ?
Après avoir décrit rapidement les impacts que la règlementation aura certainement sur les laboratoires notamment les laboratoires de référence, il faut maintenant souligner les bénéfices liés à l'essor de la sécurité et sûreté biologiques.
Les microorganismes et toxines sont utilisés dans le cadre de la santé publique, à des fins de recherche et développement, diagnostic et enseignement. Ils représentent néanmoins un risque réel pour la santé et la sécurité humaines, en raison d'un éventuel rejet, soit accidentel (sécurité biologique), soit intentionnel (sûreté biologique).
Les grands bénéfices d'une règlementation dans ce domaine sont donc :
- D'assurer la santé du travailleur : améliorer la protection des travailleurs. En effet, même si la littérature dans le domaine n'est pas exhaustive, et si les cas de contaminations en laboratoire semblent avoir été considérablement réduits dans les 30 dernières années, on continue à en recenser, aussi bien dans les laboratoires de recherche que de diagnostic (23). Ayant pris conscience du coût financier et humain de ces accidents, la société se devait de tout mettre en œuvre pour protéger la santé de la population, tout en préservant les progrès scientifiques et en évitant que des agents biologiques pathogènes ne soient disséminés accidentellement ou dérobés dans un but malintentionné. La fragilité de l'environnement et les risques liés aux manipulations génétiques accroissent les craintes du public et des autorités et, en ce domaine, le principe de précaution est à prendre tout particulièrement en compte ;
- De renforcer le rôle des laboratoires de référence offrant toutes garanties de sûreté et de sécurité. Les souches isolées devront être centralisées et étudiées uniquement dans des structures fiables et compétentes ; ce qui devrait faciliter l'exploitation des données notamment épidémiologiques. De plus, ces laboratoires de référence seront les interlocuteurs naturels des autorités en terme d'évaluation des risques et d'évolution de la règlementation ; ils verront donc leurs missions et leur autorité renforcées ;
- De disposer de cadres règlementaires éventuellement renforcés par des rapports d'inspection indépendants, permettant d'imposer des mesures ou des travaux importants voire indispensables mais parfois difficiles à faire accepter d'emblée en raison du coût ou des gênes occasionnés ;
- De permettre une meilleure communication et des échanges de souches sécurisés avec des homologues européens.
Toutes ces obligations désormais incontournables devraient permettre aux scientifiques d'obtenir les meilleurs conditions matérielles et organisationnelles pour travailler dans les meilleures conditions de sécurité pour eux-mêmes, leurs collaborateurs et la société, mais il leur appartient de se saisir largement de ce problème, d'en discuter avec l'institution à laquelle ils appartiennent, avec les intervenants extérieurs (entrepreneurs, sociétés de maintenance) et ne pas prendre le risque d'attendre passivement la livraison d'installations "tout en main" dont on découvrira les failles trop tard.
L'anticipation et l'implication seront à coup sûr source d'économies en investissement et en fonctionnement.

Conclusion
On saisit l'importance de la croissance de la sécurité et sûreté biologiques, tant au niveau national qu'au niveau européen et mondial. Force est de constater que rigueur, formalisation et procédures sont indispensables et indissociables de la science et du monde la recherche mais ceci permettra à tous de travailler en toute confiance et de protéger l'environnement et l'homme. Fort heureusement, les craintes nées de l'épisode « anthrax » de 2001 n'ont pas été confirmées mais une attention toute particulière est portée dorénavant sur ces sujets sensibles, comme le montrent par exemple les discussions récentes quant à la publication des travaux sur la création par une équipe de chercheurs néerlandais d'un virus grippal H5N1 muté, susceptible d'avoir une transmissibilité humaine. Le film « Contagion » de Steven Soderbergh, sorti sur nos écrans à la fin de l'année 2011, illustre également la prise en compte grandissante par notre société des questions de sécurité et sûreté biologiques. Et l'on peut prédire que c'est une thématique d'avenir.




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Point de vue
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Sûreté et sécurité biologiques et référence : impact des réglementations nationales et européennes en matière de confinement biologique de niveau 3 et 4
Notes/Bibliographie

(1) Barkley W.E, Cohen M.L, Kallings I, Kennedy ME, Kennett M, Knudsen R, Previsani N, Richmond J, Sattar S.A, Wilson D.E,Wittek R. Principes de la sûreté biologique en laboratoire. 2005 In : Manuel de sécurité biologique en laboratoire Troisième édition. Organisation Mondiale de la Santé, Genève, Suisse : 51-53.

(2) Barkley W.E, Cohen M.L, Kallings I, Kennedy ME, Kennett M, Knudsen R, Previsani N, Richmond J, Sattar S.A, Wilson D.E,Wittek R. Principes généraux.2005 In : Manuel de sécurité biologique en laboratoire Troisième édition. Organisation Mondiale de la Santé, Genève, Suisse : 1-4.

(3) Biosafety Europe. Containment level 3 and 4 laboratories: Legislative and regulatory framework [consulté le 02 février 2012] http://www.biosafety-europe.eu/d20public_300309.pdf

(4) Biosafety Europe. Final Considerations, Coordination, harmonisation and exchange of biosafety and biosecurity practices within a pan-European network. [consulté le 02 février 2012] http://www.biosafety-europe.eu/Biosafety EUROPE_FinalConsiderations_adobe4.pdf

(5) CEN Workshop Agreement (CWA) 15793-2008 'Laboratory Biorisk Management standard

(6) CEN Workshop Agreement (CWA) 16335 :2011 Biosafety Professionnal (BSP) Competence

(7) Chapitre 1.1.2 biosécurité et biosûreté au laboratoire de microbiologie vétérinaire et dans les animaleries. In : Manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres de l'OIE 2011. [consulté le 02 février 2012] http://www.oie.int/fileadmin/Home/fr/
Health_standards/tahm/
Chap%201.1.2._Biosécurité_2008.pdf


(8) Convention on the Prohibition of the Development, Production and Stockpiling of Bacteriological (Biological) and Toxin Weapons and on Their Destruction. 1972. [consulté le 02 février 2012] http://www.opbw.org/convention/
documents/btwctext.pdf


(9) Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction. 1993. [consulté le 02 février 2012] http://www.opcw.org/fr/convention-sur-linterdiction-des-armes-chimiques/la-convention/

(10) Décret n°2010-736 du 30 juin 2010 relatif aux micro-organismes et toxines. Journal officiel de la République Française, texte 30 sur 111, 1er juillet 2010.

(11) Directive 2000/54/CE du parlement européen et du conseil du 18 septembre 2000 concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents biologiques au travail (septième directive particulière au sens de l'article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE. 2000. [consulté le 02 février 2012]
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2000:262:0021:0045:FR:PDF

(12) Directive 2003/85/CE du conseil du 29 septembre 2003 établissant des mesures communautaires de lutte contre la fièvre aphteuse, abrogeant la directive 85/511/CEE et les décisions 89/531/CEE et 91/665/CEE et modifiant la directive 92/46/ CEE . JO L 306 du 22.11.2003, p. 1. [consulté le 02 février 2012] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2003L0085:20110108:FR:PDF

(13) Directive 98/81/CE du Conseil du 26 octobre 1998 modifiant la directive 90/219/CEE relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés. Journal officiel n° L 330 du 05/12/1998 p. 0013 - 0031. [consulté le 02 février 2012] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31998L0081:fr:HTML

(14) Document de travail des services de la commission accompagnant la communication de la commission au parlement européen et au conseil sur le renforcement de la sécurité chimique, biologique, radiologique et nucléaire dans l'Union européenne - un plan d'action de l'UE dans le domaine CBRN, résumé de l'analyse d'impact. Commission des communautés européennes, Bruxelles, le 24.06.2009, SEC(2009) 791. [consulté le 05 février 2012] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=SEC:2009:0791:FIN:FR:PDF

(15) EU CBRN Action plan, action H1. [consulté le 05 février 2012] Plan d'action de l'Union européenne dans le domaine de la sécurité Chimique, Biologique, Radiologique et Nucléaire http://ec.europa.eu/home-affairs/summary/docs/com_2009
_0273_annexe_2_en.pdf


(16) European Biosafety Association. [consulté le 02 février 2012] http://www.ebsaweb.eu/About+EBSA.html

(17) Groupe Australie. [consulté le 05 février 2012] http://www.australiagroup.net/fr/index.html

(18) Livre vert sur la préparation à la menace biologique. Bruxelles, le 11.7.2007 COM(2007) 399 final. [consulté le 07 février 2012] http://ec.europa.eu/food/resources/
gp_bio_preparedness_fr.pdf


(19) Manuel des tests de diagnostic et des vaccins pour les animaux terrestres 2011. [consulté le 02 février 2012] http://www.oie.int/fr/normes-internationales/manuel-terrestre/acces-en-ligne/

(20) Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, signé à Genève le 17 juin 1925. [consulté le 02 février 2012] http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/280?OpenDocument

(21) Rapport CR 12894. Biotechnologie - Microorganismes- Examen des différentes listes existantes de pathogènes pour les animaux et production d'un rapport. 1997. Comité Européen de Normalisation, Bruxelles, Belgique : 38pp.

(22) Règlement (CE) No 428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit de biens à double usage [consulté le 02 février 2012] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:134:0001:0269:fr:PDF

(23) Singh K. 2009. Laboratory-acquired infections. Clinical Infectious Diseases, 49(1):142-147.

(24) USA Patriot Act, Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism, Act of 2001 (Enrolled Bill [Final as Passed Both House and Senate] - ENR). Sections [consulté le 6 février 2012]. Sections 817 et 175b. http://www.gpo.gov/fdsys/pkg/BILLS-107hr3162enr/pdf/BILLS-107hr3162enr.pdf