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Préparation d'un test de compétences franco-allemand pilote pour le diagnostic d'agents de menace biologique


H. Ellerbrok, B.G. Dorner, R. Grunow, D. Jacob, R. Krueger, M. Niedrig, A. Nitsche, D. Pauly
Institut Robert Koch, Centre de biosécurité, Berlin, Allemagne


H. Ellerbrok, B.G. Dorner, R. Grunow, D. Jacob, R. Krueger, M. Niedrig, A. Nitsche, D. Pauly (2012).
Préparation d'un test de compétences franco-allemand pilote pour le diagnostic d'agents de menace biologique, EuroReference, No. 7, ER07-12RE03.
http://www.ansespro.fr/euroreference/numero7/PNW301.htm
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Contexte
L'attaque terroriste clandestine qui a touché les États-Unis fin 2001, sous la forme d'une contamination intentionnelle par des spores de Bacillus anthracis d'origine militaire, provoquant la mort de plusieurs personnes, a profondément modifié la perception de la vulnérabilité au terrorisme. À la suite de cette attaque, baptisée "Amerithrax", le grand public a pris conscience de la menace de mort que peuvent constituer les armes biologiques lorsqu'elles se retrouvent entre les mains de terroristes. Cet incident bioterroriste extrêmement médiatisé a inspiré toute une série d'attaques semblables dans de nombreux pays, dont l'envoi de fausses lettres piégées à différents individus et organismes dans le but de les intimider. À l'heure actuelle, on dénombre encore un certain nombre d'incidents de ce type. Pour les experts, il ne s'agit plus aujourd'hui de savoir "si", mais plutôt "quand" et "comment" une véritable attaque bioterroriste sera lancée. Il est ainsi devenu indispensable de déterminer l'état de menace réel d'une substance ou matière suspecte donnée, lorsqu'un lien potentiel avec un acte de bioterrorisme ne peut pas être totalement exclu. Ces échantillons doivent être analysés avec le plus grand soin en raison des terribles conséquences qu'ils pourraient avoir sur la santé publique ainsi que sur la sécurité et la situation politique. Il s'agirait d'exclure définitivement ou de confirmer le plus rapidement possible qu'un agent constitue une menace biologique, en respectant des procédures d'assurance qualité. C'est dans ce but que des méthodes de détection spécifiques ont été élaborées et que des moyens diagnostiques sensibles ont été mis en place dans de nombreux pays. Dans le monde entier, mais également à l'échelle de l'Union européenne, chaque État a choisi une solution différente afin de satisfaire ses propres besoins. Les organismes d'analyse et les responsabilités peuvent ainsi être différents d'un pays à l'autre. Néanmoins, quelles que soient les solutions organisationnelles adoptées par les différents États, toutes partagent un objectif commun : élaborer des méthodes de diagnostic capables de répondre aux exigences d'un spectre d'échantillons extrêmement précis. Dans le domaine du diagnostic clinique, les bonnes pratiques veulent que l'efficacité et la précision des laboratoires de diagnostic soient évaluées par la participation régulière à des audits de contrôle de qualité externe (CQE) [voir également Grunow et al., cette publication].
La manipulation et le diagnostic des échantillons issus de suspicions d'attaques bioterroristes sont des opérations particulièrement difficiles. En effet, la matière à analyser n'est généralement pas un échantillon clinique, mais un échantillon dit "environnemental", susceptible de contenir des bactéries, des virus ou des toxines hautement pathogènes et/ou un large spectre de matrices différentes. L'analyse de ces échantillons requiert la mise en place de mesures de sécurité spécifiques et l'utilisation de techniques de diagnostic très différentes et extrêmement complexes à des fins d'identification. Au-delà des initiatives internationales de l'Union européenne visant à réaliser des exercices de CQE, tels les projets EQADeBa, QUANDHIP, ENIVD ou EQuATox pour les agents hautement pathogènes (
http://www.rki.de/EN/Content/Prevention/EQADeBa/EQADeBa_node.html ; http://www.rki.de/EN/Content/Prevention/QUANDHIP/QUANDHIP_node.html http://www.quandhip.eu ; http://www.enivd.de/index.htm ; http://www.rki.de/EN/Content/Prevention/EQuaTox/equatox_node_en.html), les institutions françaises et allemandes ont conclu un accord : pour un premier test de compétences français pilote concernant les agents de menace biologique, l'institut allemand Robert Koch prépare un panel aveugle d'échantillons de menace biologique, comprenant des virus, des bactéries et des toxines, que le réseau français des laboratoires Biotox-Piratox doit analyser dans le cadre d'un exercice organisé par le Conseil scientifique du réseau des laboratoires Biotox-Piratox.

Préparation du panel d'échantillons
Parmi ce panel d'agents de menace biologique, le virus de la vaccine, le virus de la variole du singe, Francisella tularensis et la ricine sont sélectionnés et des jeux d'échantillons sont préparés à l'Institut Robert Koch (figure 1) pour chaque laboratoire du réseau Biotox-Piratox. Étant donné que la variole a été éradiquée et que seuls deux laboratoires, un américain et un russe, conservent des souches du virus de la variole, sous l'autorité de l'OMS, d'autres orthopoxvirus sont utilisés pour la préparation des échantillons viraux. Le virus de la vaccine et le virus de la variole du singe appartiennent tous deux à la famille des orthopoxvirus ; ils sont étroitement apparentés au virus de la variole, tant sur le plan génétique qu'immunologique, mais différents et distinguables de celui-ci. Pour une parfaite évaluation des risques en cas de situation de menace bioterroriste potentielle, il convient de répondre à une question importante si un échantillon se révèle positif à un agent pathogène (par exemple, positif par PCR) : l'échantillon contient-il un agent pathogène infectieux ou uniquement des acides nucléiques ou des particules non infectieuses ? Pour les virus, la réponse à cette question passe par la mise en culture cellulaire de la matière-échantillon et par un test de réplication virale. Pour les échantillons viraux, la souche VR1536 du virus de la vaccine, agent de niveau de biosécurité 2 (BSL2), est sélectionnée et une charge virale est cultivée en tant que virus infectieux. Pour la préparation de l'exercice, la stabilité du virus de la vaccine est déterminée. La charge virale est ainsi diluée en série et des fractions aliquotes de 108, 106, 104 et 102 équivalents-génome sont stockées pendant 6 semaines à 4 °C. Ces fractions aliquotes sont testées au moyen de différents dosages par PCR en temps réel spécifiques des orthopoxvirus (Nitsche et al., 2004) et l'infectivité des échantillons est contrôlée par titrage viral, démontrant que le génome du virus et son infectivité sont stables à 4 °C, au moins pendant ce laps de temps, sauf pour la dilution maximale, où l'infectivité diminue au bout de 2 semaines.
À la différence du virus de la vaccine, le virus de la variole du singe, qui est un agent BSL3, est inactivé par irradiation aux rayons gamma, à 26,7 kGray, par un prestataire de services commerciaux, afin de réduire la complexité des normes de sécurité applicables en matière de transport d'échantillons ainsi que les risques pour les laboratoires participants. L'inactivation du virus de la variole du singe est confirmée par des expériences de mise en culture, tandis que plusieurs dosages par PCR ciblant différentes régions du génome viral sont réalisés sur l'échantillon irradié afin de vérifier que la sensibilité de la détection par PCR n'a pas été affectée par le traitement.
Les charges virales sont soumises à des dilutions en série de 10 en 10 dans un milieu de culture cellulaire (DMEM), avant d'être subdivisées en fractions aliquotes de 500 µL. Ces fractions aliquotes sont immédiatement stockées à 80 °C. Ensuite, plusieurs fractions aliquotes de chaque dilution sont prélevées dans la réserve stockée à 80 °C et placées à 4 °C pendant 4 semaines maximum. À plusieurs instants, 2 à 4 fractions aliquotes individuelles sont prélevées et analysées par PCR quantitative en temps réel. L'infectivité des échantillons de virus de la vaccine est également testée. Tous les échantillons se révèlent stables pendant ce laps de temps et les fractions aliquotes issues d'une même étape de dilution présentent une faible variabilité.

Francisella tularensis, organisme responsable de la tularémie, est sélectionné en tant qu'agent bactérien. F. tularensis est une bactérie Gram-négative extrêmement petite, immobile, pléomorphe et non sporulée comprenant quatre sous-espèces : tularensis (type A), holarctica (type B), mediasiatica et novicida. Les trois premières sous-espèces ci-dessus sont des organismes exigeants à développement lent (2 à 7 jours) dont la culture nécessite un milieu supplémenté en cystéine/cystine. Les signes cliniques de la tularémie dépendent de la voie d'infection. Sa transmission à l'Homme peut se faire par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés, par des piqûres d'arthropodes ou par l'inhalation d'aérosols infectieux (WHO guidelines on tularaemia (Recommandations de l'OMS sur la tularémie), 2007).
Pour ce test de compétences, nous utilisons la souche vaccinale vivante atténuée (LVS) ATCC 29684. L'historique de cette souche est incertain, mais nous savons que cette LVS est dérivée de la souche virulente
F. tularensis holarctica 15. Cinq échantillons (B1 à B5) comprenant différentes matrices et différentes concentrations de LVS sont préparés pour chaque laboratoire (voir tableau 1) : trois isolats dits "non confirmés" préparés dans un tampon phosphate salin (PBS) ou dans un milieu de transport de Copan (Copan, Brescia, Italie), un échantillon environnemental (eau de rivière stérile) et un échantillon clinique (cellules P3X63Ag8, culture de cellules murines inactivées). Un scénario détaillé concernant les échantillons est fourni à chaque participant.
Pour le test de compétences, la souche LVS provenant de la réserve est cultivée sur des plaques de gélose cystéine-cœur-sang (CHAB, Quelab, Montréal, Canada) et les colonies sont inoculées dans 30 mL de solution de chlorure de sodium à 0,85 % stérile, jusqu'à une densité optique DO600 > 1,0, donnant 4,1 x 1010 unités formant colonie (UFC)/mL. Plusieurs fractions aliquotes sont congelées à 80 °C à titre de réserve. Ce processus provoque une diminution du nombre d'UFC, allant jusqu'à trois unités logarithmiques, après décongélation des fractions aliquotes en réserve, ce qui explique les différences observées au niveau des UFC/mL et des copies/mL pour un même échantillon (voir tableau 1). Quarante échantillons de 500 µL chacun sont préparés à partir de la réserve stockée à 80 °C, avec les matrices dont la stérilité a été testée ci-dessus, pour être distribués aux laboratoires français.
Lors de la préparation des échantillons, la viabilité de la LVS est testée à 4 °C pendant un mois. Pour cela, des échantillons sont prélevés tous les jours pendant une semaine, puis une fois par semaine. Sur chaque échantillon, le nombre d'UFC est analysé et un isolement d'ADN (Kit
DNeasy Blood and Tissue Kit, QIAGEN, Hilden, Allemagne) suivi de dosages par PCR quantitative en temps réel de F. tularensis (Versage et al., 2003) sont réalisés. Les échantillons d'ADN sont également soumis à une analyse de contamination croisée par les espèces Bacillus anthracis (Ellerbrok et al., 2002), Yersinia pestis, Burkholderia mallei, B. pseudomallei et Brucella, au moyen de dosages par PCR en temps réel (données non publiées). Aucune contamination croisée n'est observée. Les tests de viabilité révèlent des résultats d'UFC reproductibles pendant un mois pour les échantillons B1, B2 et B5. Pour l'échantillon faiblement concentré (B3), la stabilité des résultats ne peut être garantie que pendant un laps de temps assez court, si bien qu'il est demandé aux laboratoires d'analyser les échantillons dans les plus brefs délais.

La ricine, glycoprotéine issue des graines de la plante
Ricinus communis (ricin), agit comme une ARN-N-glycosidase et inhibe la synthèse des protéines, provoquant la mort cellulaire (Balint, 1974). À l'instar d'autres toxines biologiques, la ricine intervient en l'absence de la plante qui la produit, et de son information génétique. Il est donc nécessaire de détecter la protéine elle-même, et pas uniquement l'acide nucléique de la plante. La forme fonctionnellement active de la ricine est constituée de deux sous-unités, la chaîne A et la chaîne B, qui sont toutes deux nécessaires à son action toxique in vivo. La détection précise de la ricine se révèle complexe, car les graines of R. communis contiennent une protéine hautement homologue, mais moins toxique, appelée agglutinine de Ricinus communis (désignée ci-après par "agglutinine" (Lord, 1994)). De plus, différentes isoformes de la ricine ont été décrites (Worbs et al., 2011). En cas de déversement volontaire de ricine dans l'environnement, il est important de pouvoir distinguer les formes fonctionnellement active et dénaturée de la ricine avec une certaine sensibilité, notamment pour les plans opérationnels d'urgence, les analyses scientifiques et les traitements.
Pour ce test de compétences, de la ricine et un extrait brut contenant de la ricine sont tous deux préparés à partir de graines de
Ricinus communis zansibariensis, conformément aux protocoles classiques (Lin, 1980). En matière de contrôle de la qualité, la pureté de la préparation de ricine et de l'extrait brut est caractérisée par SDS-PAGE avec coloration au nitrate d'argent, spectrométrie de masse MALDI-TOF et analyse par transfert de Western. L'activité fonctionnelle et l'intégrité structurelle des préparations à base de ricine sont mises en évidence au moyen de dosages de cytotoxicité et d'un test ELISA hautement spécifique (Pauly et al., 2012). La teneur en ADN génomique est par ailleurs analysée par PCR en temps réel. La concentration en protéine est déterminée au moyen d'un dosage à l'acide bicinchoninique (BCA) et d'une mesure de l'absorbance UV à 280 nm.
Pour l'évaluation de la stabilité, différentes concentrations de ricine purifiée (10 000 ng/mL, 50 ng/mL et 5 ng/mL dans 0,1 % de BSA/PBS) et l'extrait brut de ricine sont stockés pendant 8 semaines soit à température ambiante, soit à 4 °C. Une semaine sur deux, une fraction aliquote est quantifiée au moyen d'un test ELISA en sandwich ; après 8 semaines de stockage, le contrôle de la qualité est effectué comme décrit ci-dessus. De manière générale, la ricine fonctionnellement active peut être détectée dans la préparation de toxine pure ainsi que dans l'extrait brut de ricine après 8 semaines de stockage. Les pics de concentration de la toxine sont confirmés au moyen d'un test ELISA, d'un dosage de cytotoxicité et d'une analyse par transfert de Western. Aucune différence significative n'est observée au niveau de l'activité ou de la concentration en protéine pour les différents échantillons et les différentes conditions de stockage testés. Pour les toxines du test de compétences, des échantillons (T1 à T4, voir tableau 1) sont préparés et un volume de 500 µL est distribué aux laboratoires d'analyse.

Expédition et règlementation en vigueur en matière de transport
Les cultures vivantes de F. tularensis sont emballées, déclarées et expédiées en tant que marchandises de classe 6.2 (UN2814), conformément aux lois régissant le transport de marchandises dangereuses (Instructions techniques de l'Organisation de l'aviation civile internationale, IT-OACI). Ces lois correspondent aux normes les plus strictes en matière de transport d'organismes vivants, pour la protection des êtres humains, de l'environnement et des biens contre une éventuelle contamination. Ces lois doivent être appliquées par les institutions de chaque État, par exemple le Luftfahrtbundesamt en Allemagne. Dans certains pays, les souches vaccinales sont déclassées et peuvent être emballées, déclarées et expédiées conformément aux dispositions de la norme UN3373.
La ricine est une substance à double emploi classique : d'une part, la plante qui produit la ricine revêt un intérêt économique pour la production d'huile de ricin et des nombreux produits industriels, médicaux et cosmétiques qui en sont dérivés. De même, l'industrie médicale exploite la capacité de la sous-unité A à induire la mort cellulaire pour l'élaboration d'immunotoxines permettant de traiter expérimentalement divers cancers. D'autre part, la ricine revêt un certain intérêt pour sa dangerosité, en raison de son historique militaire, criminel et terroriste. Différentes nations ont étudié cette toxine pour d'éventuelles applications militaires. De par son historique, la ricine est une substance interdite à la fois par la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC, composé de l'annexe 1) et par la Convention sur l'interdiction des armes biologiques (CIAB) et sa possession ou purification est strictement réglementée et contrôlée par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). La relative facilité à préparer un extrait brut et la disponibilité mondiale de la plante font également de la ricine un agent de bioterrorisme potentiel. Conformément à sa classification, le transport de la ricine est strictement régulé par l'OIAC et nécessite l'approbation de certificats spéciaux d'importation et d'exportation. Les échantillons contenant de la ricine doivent être transportés dans un conteneur de sécurité spécifiquement prévu à cet effet, sous la catégorie "toxines issues d'organismes vivants" (classe 6.1, UN3172 ou UN3462).

Résultats des tests réalisés par l'Institut Robert Koch
Après leur distribution aux laboratoires français, les échantillons B1 à B5 conservés sont analysés par le personnel de l'Institut Robert Koch (Robert Koch-Institut, RKI) 4 fois en 17 jours (figure 2). Comme cela a pu être démontré lors des pré-tests, la viabilité des échantillons fortement concentrés (B1, B2 et B5) peut être garantie pendant toute la durée des tests. Une diminution du nombre d'UFC est observée dès le 3e jour sur l'échantillon B3. Les dosages par PCR quantitative en temps réel de F. tularensis effectués sur ces échantillons confirment les résultats des pré-tests. Par ailleurs, un test ELISA de capture et un dosage par immunofluorescence utilisant l'anticorps dirigé contre la LVS de F. tularensis sont utilisés pour l'identification et pour la confirmation des résultats (Porsch-Ozcürümez et al., 2004). Pour la différenciation des sous-espèces, une RD1-PCR (Broekhuijsen et al., 2003) permet de déterminer que les colonies de F. tularensis développées à partir des échantillons B1, B2, B3 et B5 sont une sous-espèce holarctica. De plus, parallèlement aux laboratoires du réseau Biotox-Piratox, les échantillons viraux V1 à V7 sont testés par PCR quantitative en temps réel pour les orthopoxvirus (Nitsche et al., 2004), ce qui permet de confirmer les résultats obtenus lors des pré-tests.

Avant l'envoi des échantillons aux laboratoires français, les échantillons contenant de la ricine préparés en aveugle sont analysés par le personnel technique du RKI. Trois tests ELISA différents détectant différentes parties de la molécule de ricine permettent d'identifier clairement les échantillons contenant de la ricine T1, T2 et T4 (tableau 2). Il en va de même pour le dosage de cytotoxicité. Cependant, aucun dosage ne permet de différencier la ricine pure et l'extrait brut contenant de la ricine. Par conséquent, tous les échantillons sont soumis à un enrichissement par immunoaffinité associé à une spectrométrie de masse MALDI-ToF (Kull
et al., 2010), ce qui permet de déterminer que l'échantillon T2 est de la ricine pure (fragments de ricine issus des chaînes A et B) et que l'échantillon T4 est de la ricine brute (fragments de ricine + agglutinine). La plus faible concentration en ricine (échantillon T1) ne peut toutefois pas être détectée par la technique spectrométrique. De même, le transfert de Western ne se révèle pas suffisamment sensible pour détecter l'échantillon T1. Afin de confirmer que l'échantillon T4 est l'extrait brut de R. communis, une PCR en temps réel est réalisée et de l'ADN génomique de ricine est détecté positivement. Pour résumer, sur le plan qualitatif, l'association de techniques immunologiques, biochimiques, spectrométriques et fonctionnelles permet d'identifier correctement les quatre échantillons contenant de la ricine, bien que toutes ces techniques montrent leurs avantages et leurs limites (tableau 2).

Enseignements tirés et perspectives
L'expédition d'échantillons potentiellement dangereux représente toujours une opération difficile, en particulier lorsqu'il s'agit d'envois internationaux, même au sein de l'Union européenne. Il convient de réserver une large plage de temps à l'étude des règlementations et à l'accomplissement des démarches administratives nécessaires. Les textes régissant l'expédition combinée d'agents biologiques différents peuvent se révéler particulièrement complexes. Selon les pays, des règles différentes peuvent s'appliquer aux différents agents. Pour ce test de compétences, la complexité s'est révélée encore plus importante en raison de l'inclusion de ricine active, le transport de cette substance étant régulé par l'OIAC. Nous avons également constaté que la classification des agents biologiques varie d'un pays à l'autre et que les législations française et allemande sont différentes sur ce point. Bien que la coopération d'organisations de différents pays européens intervenant dans la gestion des menaces bioterroristes potentielles constitue une expérience riche, qui doit être régulièrement éprouvée, et que la coopération entre experts dans ce domaine spécifique très spécialisé soit extrêmement importante, l'échange de matériaux, par exemple pour de futurs tests de compétences ou pour la confirmation des résultats obtenus pour des échantillons d'agents de menace biologique potentiels, est entravé par l'existence de règlementations différentes au sein de l'Union européenne et par la complexité des démarches administratives à accomplir, ce qui, en situation d'urgence, se révélerait excessivement lourd. Cependant, cette coopération franco-allemande pour la préparation d'un test de compétences pour le réseau de laboratoires français Biotox-Piratox démontre que ce type d'exercice est réalisable et utile. La principale conclusion que nous devons tirer de cette expérience pratique est qu'en cas d'urgence, il serait assez difficile de mettre en œuvre une coopération transfrontalière rapide. Pour améliorer la situation, les textes régissant l'échange d'échantillons de menace biologique doivent être étudiés par tous les États membres de l'UE et harmonisés dans le but de permettre et de faciliter une coopération internationale dans le domaine du bioterrorisme en situation de crise.






Préparation d'un test de compétences franco-allemand pilote pour le diagnostic d'agents de menace biologique
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Remerciements
Nous remercions J. Sim-Brandenburg et A. Teichmann pour leur support technique ainsi que P. Binder, F. Salicis, W. Biederbick et K. Riedmann pour leur aide lors de nos discussions et pour leur soutien continu.
Tableau 1. Panel d'échantillons pour le test de compétences concernant le diagnostic de menaces biologiques
Bibliographie

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Tableau 2. Analyse d'échantillons contenant de la ricine au moyen de techniques immunologiques, biochimiques, spectrométriques et fonctionnelles
Figure 1. Préparation de dilutions d'échantillons pour des agents de menace biologique et emballage de ceux-ci en vue de leur expédition. a) Les échantillons sont dilués et des fractions aliquotes sont placées dans des tubes scellés. b) Pour chaque laboratoire participant, un jeu d'échantillons comprenant les différentes dilutions des échantillons bactériens et viraux est placé dans un petit récipient en plastique, puis c) enfermé dans un conteneur de transport isolé. Pour des raisons de règlementation, les échantillons des toxines doivent être envoyés dans un conteneur à part.
Figure 2. Test de viabilité (UFC/mL) de F. tularensis sur les échantillons B1 à B5 conservés et stockés à 4 °C les 3e, 7e, 10e et 17e jours, respectivement, après l'organisation de l'expédition des échantillons aux laboratoires français.