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Le projet européen PLANTFOODSEC : cadre d'une démarche nationale d'analyse et de hiérarchisation des risques phytosanitaires


C. Le Fay-Souloy (1), P. Reynaud (1), B. Moignot (1), F. Suffert (2)
(1) Anses, Laboratoire de la Santé des Végétaux (LSV), Unité expertise des risques biologiques, Angers, France
(2) INRA, UR1290 BIOGER-CPP, Campus AgroParisTech, Thiverval-Grignon, France

C. Le Fay-Souloy, P. Reynaud, B. Moignot, F. Suffert (2012).
Le projet européen PLANTFOODSEC : cadre d'une démarche nationale d'analyse et de hiérarchisation des risques phytosanitaires, EuroReference, No. 7, ER07-12RE02.
http://www.ansespro.fr/euroreference/numero7/PNS301.htm
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L'Unité expertise des risques biologiques du Laboratoire de la Santé des Végétaux (LSV) participe depuis 2011, en tant que partenaire de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), au projet européen PLANTFOODSEC soutenu par l'Union Européenne dans le cadre de son septième Programme-Cadre de Recherche et Développement (http://www.plantfoodsec.eu/). La problématique de ce projet est la biosécurité des cultures et des produits issus de la filière végétale destinés à l'alimentation. Un de ses objectifs affiché est la formalisation d'un réseau de compétences dans ce domaine en Europe. D'une durée de 5 ans et financé à hauteur de 6 millions d'euros, le projet a débuté en février 2011 et réunit une dizaine de partenaires européens et internationaux (voir encadré).

Le thème de la biosécurité des cultures a fait l'objet d'un précédent projet de recherche européen (CROPBIOTERROR) entre 2005 et 2008. L'agroterrorisme au sens large (guerre biologique, bioterrorisme, biocrime, acte de sabotage) y a été défini comme l'utilisation délibérée et malveillante d'agents pathogènes par un individu, une organisation ou un État, dans le but de provoquer des dommages aux végétaux (cultures, arbres, denrées agricoles) ou aux animaux, voire d'affecter l'emploi qui pourrait en être fait (production, commercialisation, transformation, consommation) (Madden & Wheelis, 2003; Suffert
et al., 2008; Stack et al., 2010; Waage & Mumford, 2007). L'analyse des conséquences potentielles de tels actes en Europe, réalisée par un petit groupe de scientifiques de l'INRA, a été conduite à partir d'une méthode d'évaluation visant dans un premier temps à caractériser la diversité de la menace et des risques, et dans un second temps à les évaluer analytiquement (Figure 1; Latxague et al., 2007; Suffert et al., 2009). La première étape, prospective, a consisté à imaginer l'ensemble des objectifs possibles des perpétrateurs et de sélectionner pour chacun d'eux un agent phytopathogène particulièrement adapté. La seconde étape a consisté à formaliser cette démarche pour en faire une méthode d'évaluation opérationnelle : constitution d'une liste d'agents candidats qui pourraient représenter une menace pour les cultures et les forêts européennes ; rédaction détaillée et analyse de différents scénarios ; conception et application d'un schéma d'évaluation de risque adapté.

Le fait que la menace soit prise au sérieux par de nombreux acteurs, alors même qu'ils la jugent très peu probable, est un paradoxe qui s'explique par le flou qui entoure les composantes de risques, qualifiés pudiquement de "risques provoqués". Caractériser ces risques a nécessité d'agencer une grande diversité de connaissances qu'aucune institution publique n'est à elle-seule capable ni de rassembler, ni de structurer. Le caractère "hybride" de la menace est un des principaux résultats de cette caractérisation : le risque ne résulte pas d'une simple combinaison de facteurs qui seraient analysables indépendamment les uns des autres de façon réductionniste. Améliorer la capacité de l'Union Européenne, et de la France, à prévenir un acte de malveillance implique que l'ensemble des parties concernées par la biosécurité agricole coopèrent (les instances nationales chargées de la santé des végétaux, les douanes, les autorités répressives, le secteur des bio-industries, les professionnels de l'agriculture et de l'agroalimentaire, les établissements universitaires et les instituts de recherche). L'Anses et l'INRA se positionnent délibérément en amont d'une démarche d'épidémiovigilance.

Un des objectifs du projet PLANTFOODSEC est de développer à l'échelon européen des capacités de préparation dans le but de prévenir, et, le cas échéant, de répondre à des actes de malveillance susceptibles d'affecter la biosécurité des cultures. Une des tâches confiées au groupe INRA-Anses consiste à analyser les risques que font courir les organismes nuisibles aux agro-écosystèmes (systèmes cultivés et espaces naturels), qu'ils soient la conséquence de menaces naturellement existantes (bioagresseurs déjà connus et ponctuellement émergents), accidentelles (introduction d'un nouveau bioagresseur justifiant de mesures internationales de quarantaine végétale), ou intentionnelles (actes de malveillance et agroterrorisme). Quels sont les points communs entre ces trois types de menace ? Certainement leur caractère diffus et difficilement prévisible, essentiellement lié à des évènements très divers, rares, cachés ou encore inconnus, sur lesquels il est inenvisageable "d'expérimenter" au sens classique du terme ; également le besoin d'évaluation et d'expertise émanant de différents services de l'Etat (recherche, agriculture, défense) et de certaines filières professionnelles agricoles. Les travaux menés par le groupe INRA-Anses font appel à des approches pluridisciplinaires (épidémiologie, entomologie, cindynique, sciences de gestion, agronomie). Le recours à une telle diversité d'approches, qui témoigne des difficultés actuelles à identifier et hiérarchiser certains risques phytosanitaires, constitue l'originalité de ce projet.

Le projet PLANTFOODSEC s'articule autour de huit tâches :
1. Epidémiologie des maladies des plantes appliquée la biosécurité des cultures
2. Biosécurité de l'alimentation
3. Analyse de risque liée à l'introduction intentionnelle d'organismes nuisibles (réglementés ou non)
4. Systèmes de détection et de diagnostic
5. Eradication et confinement des bioagresseurs
6. Formations sur la biosécurité des cultures et de l'alimentation
7. Sensibilisation et communication à destination des parties prenantes
8. Gestion et coordination du projet

L'Unité expertise des risques biologiques du LSV est plus particulièrement impliquée dans les tâches 1 et 3 du projet, principalement au travers des actions suivantes :
- élaboration d'une liste de cultures stratégiques à partir de critères spécifiques à l'agroterrorisme. Cette liste de cultures stratégiques est élaborée à partir d'une liste plus large, actuellement en cours de finalisation, qui comprend environ 500 espèces végétales ; elle constitue l'un des premiers résultats obtenus.
- élaboration d'une liste d'organismes nuisibles (insectes, champignons, bactéries, virus, nématodes) susceptibles d'affecter la biosécurité des cultures. Cette liste est élaborée à partir d'une liste plus large d'environ 500 agents, en cours de finalisation et basée sur une précédente liste issue du projet CROPBIOTERROR. Elle est réalisée dans le prolongement d'une étude en cours, confiée au LSV par le ministère en charge de l'agriculture, visant à concevoir une méthode de hiérarchisation des organismes nuisibles de quarantaine en vue de l'affection rationnelle des moyens. Cette étude propose une méthode d'analyse permettant d'identifier les organismes nuisibles prioritaires sur la base d'informations scientifiques et techniques (MacKenzie
et al., 2007; Parker et al. 2007) puis de hiérarchiser leur méthodes de gestion (Russel et al., 2006).
- mise en œuvre d'une démarche simplifiée visant à prioriser les risques posés par des organismes nuisibles des végétaux dans le cadre de la menace agroterroriste.
- contribution à une démarche d'analyse de risque fine développée en collaboration avec l'Imperial College (Royaume-Uni). Une partie de la méthodologie en cours d'élaboration découle de celle issue du projet CROPBIOTERROR. La méthode sera appliquée à la liste d'organismes nuisibles issue du deuxième point. Ce travail sera piloté par l'INRA en interaction avec le LSV pour ce qui concerne la mobilisation des résultats acquis dans le cadre d'un autre projet européen, PRATIQUE (Baker
et al., 2009). Celui-ci, récemment terminé et auquel le LSV a participé, est à l'origine de la production et de l'amélioration d'outils d'analyse du risque phytosanitaire. Des avancées significatives ont ainsi été obtenues par exemple dans (i) le choix de modèles mathématiques de distribution potentielle d'organismes nuisibles en fonction de la qualité des données (Dupin et al., 2011) en utilisant comme modèle la Chrysomèle des racines du maïs (Diabrotica virgifera virgifera) ou (ii) dans les techniques de cartographie des zones en danger vis-à-vis d'organismes nuisibles invasifs (Baker et al., 2011)
- contribution à la définition des enjeux de primo-détection : détection de symptômes atypiques, détection d'évènements rares, qualité de surveillance et détection de "signaux", protocoles de recherche sans à priori (non spécifique de l'agroterrorisme).
- contribution à un exercice de simulation multi-acteurs intitulé "Crop Biosecurity Real Game Experience" organisé et piloté par l'INRA. L'exercice vise à impliquer l'ensemble des acteurs français concernés par la gestion d'une crise phytosanitaire d'origine malveillante. Il sera basé sur l'analyse de scénarios développés dans la tâche 3 (Analyse de risque), complémentaire de la démarche d'évaluation nationale du risque biologique à laquelle l'INRA et la Mission Défense du ministère en charge de l'agriculture contribuent depuis 2011. Une approche de ce type ne consiste pas à rendre prévisible un évènement dont la probabilité d'occurrence est faible, mais à anticiper les effets de l'événement du point de vue de la vulnérabilité et de la capacité de réponse nécessaire à sa gestion.
Liste des partenaires du projet PLANTFOODSEC

1. Centro di competenza per l'innovazione in campo agro-ambientale (AGROINNOVA) of Torino University, Italie.
2. Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et Laboratoire de la Santé des Végétaux (LSV) de l'Anses, France.
3. National Institute of Agricultural Botany (NIAB), Royaume-Uni.
4. Food and Environment Research Agency (FERA), Royaume-Uni.
5. Institute for crop sciences and resource conservation, University of Bonn, Allemagne.
6. Regional Environmental Center (REC), Hongrie.
7. Imperial College London, Royaume-Uni.
8. Middle East Technical Univeristy (METU), Turquie.
9. United Nations Crime and Justice Research Institute (UNICRI).
10. Agricultural Research Organisation, Israel.
11. National Institute for Microbial Forensics & Food and Agricultural Biosecurity (NIMFFAB) of Oklahoma State University, Etats-Unis.
12. Great Plant Diagnostic Network of Kansas State University, Etats-Unis.
Figure 1. Représentation schématique de la méthodologie utilisée pour caractériser les risques d'agroterrorisme en Europe (d'après Latxague et al., 2007)

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