Le septième séminaire du Réseau national
des laboratoires Biotox-Piratox



P. Binder
Président du conseil scientifique du Réseau national des laboratoires Biotox-Piratox, Inserm, Paris, France

P. Binder (2012). Le septième séminaire du Réseau national des laboratoires Biotox-Piratox, EuroReference, No. 7, ER07-12AC02.
http://www.ansespro.fr/euroreference/numero7/PNP301.htm



Le séminaire annuel du Réseau national des laboratoires Biotox-Piratox a été organisé les 26 et 27 avril 2012 à l'Ecole du Val de Grâce. Plus de 130 personnes ont répondu à l'appel du Conseil scientifique qui avait proposé de mettre l'accent cette année sur la formation à la sécurité et à la sûreté des personnels intervenant dans le cadre du réseau. Cela concerne tout particulièrement, mais pas uniquement, les personnels des laboratoires de biologie disposant de locaux confinés (laboratoires de sécurité biologique de classe 3 et 4 en particulier).

La première session, animée par le pharmacien chef des services hors classe Dominique Vidal, responsable du Pôle "maladies infectieuse" de l'Institut de recherche biomédical des armées (IRBA), a permis de prendre connaissance du programme de formation et d'entrainement intitulé " Advanced management on Biological Threats (AMBIT)", programme élaboré et mis en place par le Robert Koch Institute (RKI) de Berlin et ouvert à tous les personnels ayant à intervenir dans des situations à risque pouvant impliquer des agents biologiques dangereux. Dans sa présentation, le Dr Christian Herzog a particulièrement insisté sur l'intérêt manifesté par tous les acteurs, des équipes de terrains aux décideurs en passant par les experts des laboratoires, pour ces formations théoriques mais surtout pratiques, intégrant les aspects "sécurité et sûreté biologiques". Le RKI centralise ces formations en organisant plusieurs sessions annuelles, dont des sessions "à la carte" pour répondre à des besoins spécifiques, par exemple des rassemblements importants tels que des réunions de Chefs d'Etat ou des manifestations sportives. Outre une formation technique de base de 2 à 3 jours, au cours de laquelle les gestes les plus élémentaires sont répétés car "
même ce qui semble simple ne l'est pas toujours dans les faits", le RKI est en mesure de dispenser des informations argumentées et adaptées sur l'évaluation des risques. Le "Swiss curriculum biosafety" a, de son côté, structuré la formation des "responsables biosécurité" (Biosafety officer -BSO). En Suisse, pas plus qu'en France, la loi ne définit de programme de formation et d'entrainement spécifique pour la sécurité et la sûreté biologiques. Seule l'obligation de formation et de maintien de compétence est précisée dans les textes. Toutefois, comme l'a bien expliqué Thomas Binz, du bureau fédéral suisse de santé publique, les autorités fédérales et cantonales ainsi que le comité d'experts pour la biosécurité et des experts du secteur privé ont convenu dès 2005 qu'il serait important de disposer d'une base pédagogique destinée à la formation des responsables de la biosécurité. Après plusieurs expérimentations, un cahier des charges a été rédigé et un manuel BSO a été élaboré en 2006, suivi en 2009, d'un programme pédagogique de base. Son organisation en modules est particulièrement adaptée aux différentes demandes. Ainsi, par exemple, la durée d'une formation varie selon le niveau de confinement : 1 jour pour les laboratoires de classe 1 (LSB1) à 3 jours pour les LSB2 et 3. L'attrait pour ces formations, qui ont formellement débuté en 2010, a rapidement dépassé le cercle des responsables de la biosécurité des laboratoires pour satisfaire de nombreuses demandes provenant des administrations cantonales et fédérales. Ces formations donnent lieu à la délivrance d'une attestation. L'ambition de ses promoteurs est d'obtenir une certification et d'élargir son audience à l'Europe via l'European Biosafety Association (EBSA).
Si en France il n'existe pas de programme de formation nationale à la biosécurité, cette formation est néanmoins une obligation légale inscrite dans le code du travail. Il existe donc plusieurs cursus mis en place sous la responsabilité des opérateurs de laboratoires de microbiologie, notamment ceux disposant d'installations LSB2, LSB3 ou LSB4. Ces obligations et la manière d'y répondre ont été présentées par Yamina Kabrane, Jean-Pierre de Cavel, Jean-Charles Paucod et Delphine Pannetier, chacun pour ce qui concerne sa structure.
De ces présentions et des discussions qu'elles ont suscitées, il ressort les constats suivants :
- Il existe un consensus sur la nécessité d'une formation de base à la sécurité et la sûreté biologiques : l'expérimentation ou le travail d'analyse de routine dans un laboratoire de microbiologie, notamment lorsqu'il s'agit d'un laboratoire confiné, n'est pas un acte banal et anodin.
- Il serait important de renforcer les aspects "biosûreté" dans tous les programmes de formation qui, actuellement, répondent exclusivement aux aspects "biosécurité" exigés par le code du travail.
- Pour répondre aux deux points précédents, il est indispensable de disposer d'un référentiel pédagogique de base, validé, destiné aux organismes de formation en sécurité et sûreté biologiques.
- La mise en place d'une "attestation de formation" officielle serait particulièrement opportune pour reconnaitre la compétence professionnelle de celui qui la détient. Elle devrait être assortie, pour la maintenir, d'une obligation d'activité et de formation continue. La mise en place d'un "carnet individuel de compétence" est une réponse adaptée à cette exigence qui a été proposée à plusieurs reprises.
- L'importance de faire une formation adaptée pour les médecins du travail ayant à se prononcer sur l'aptitude de personnels au travail en laboratoires et animaleries confinés notamment pour les niveaux 3 et 4.

Les conclusions de cette première session sont conformes aux exigences de qualité qui restent une des préoccupations majeures des responsables de laboratoires, quelles que soient leurs missions normales. La synthèse des trois ateliers, réalisée par Sylvie Zini de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a bien illustré la priorité de ces exigences.
Le premier atelier était consacré au retour d'expérience du 4ième exercice "biologie" du réseau qui s'est déroulé en décembre 2011. Après appel à volontariat, 27 laboratoires avaient répondu à l'appel : 10 centres hospitaliers universitaires (CHU), 6 hôpitaux d'instruction des armées (HIA), 5 laboratoires centraux départementaux, 6 organismes divers, la Cellule d'intervention biologique d'urgence de l'Institut Pasteur (CIBU), l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et le véhicule d'intervention biologique et chimique (VIBC) de la gendarmerie nationale. Un scénario avait été élaboré par les organisateurs et les échantillons avaient été acheminés par transporteur agréé depuis le CHU de Lille qui avait réalisé leur préparation.
Le dépouillement des résultats a mis une nouvelle fois en évidence l'importance de ces exercices décrivant des situations réalistes parfois complexes et la nécessité d'une traçabilité de toutes les étapes :
- le trajet de certains échantillons via des "hubs" situés en dehors du territoire national pose des problèmes de sécurité et surtout de sûreté. Ils sont liés à l'absence de maîtrise des circuits empruntés par les transporteurs agréés ;
- 59% des laboratoires ont été en mesure d'identifier correctement l'agent pathogène
Burkholderia thailandensis ;
- 33% des laboratoires ont déterminé avec exactitude la composition du mélange d'une souche de
Yersinia pestis et d'une souche d'Escherichia coli hébergeant le plasmide pXO1 (gène pag) de Bacillus anthracis ;
- la détermination de la sensibilité aux antibiotiques par antibiogrammes n'est pas encore un réflexe pour tous les laboratoires.
Ces résultats incitent à poursuivre sur le rythme d'un exercice annuel aussi bien les exercices "biologie" que les exercices "chimie".
La traçabilité des étapes allant du prélèvement au rendu des résultats était également au centre du troisième atelier consacré aux aspects juridiques liés à un échantillon entrant dans le cadre d'une procédure judiciaire et encadrée par le code de procédure pénale. C'est le cas lorsqu'il y a suspicion de malveillance ou des victimes au décours d'un accident. Le rôle du procureur de la république, de l'officier de police judiciaire et les bonnes pratiques en matière de réquisition judiciaire, de saisine des scellés, d'enregistrement, d'ouverture et de conservation de ceux-ci ont été rappelées. Chaque laboratoire du réseau devrait disposer à cet effet d'un "
vade-mecum" explicitant ces bonnes pratiques.
En effet, tous les laboratoires n'ont pas l'expérience "criminalistique" du laboratoire central de la Préfecture de Paris (LCPP) qui a été présenté lors du second atelier consacré à la découverte de laboratoires exerçant des missions uniques en leur genre et tout à fait pertinentes pour le Réseau national des laboratoires Biotox-Piratox. Les participants ont ainsi pu découvrir les capacités et compétences de la CIBU de l'Institut Pasteur, de l'IRBA et de Maitrise NRBC (anciennement Centre d'Etudes du Bouchet) du Ministère de la Défense, du laboratoire P4 Jean Mérieux de l'Inserm, des Laboratoires nationaux de référence (LNR) de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), de l'Institut national d'études et de recherche industrielles de sécurité (INERIS) et du LCPP. Ces exposés et les discussions qu'ils ont suscités ont parfaitement illustré l'intérêt et la complémentarité des approches et des moyens qui font l'originalité et la force de l'organisation du Réseau national des laboratoires Biotox-Piratox.

Cette complémentarité n'est pas uniquement le fait des structures participantes, mais également celle des domaines de compétence et de leurs prolongements. C'est l'objectif poursuivi par la troisième session du séminaire, plus spécialement dédiée aux perspectives scientifiques et techniques en relation avec les domaines d'intérêt des laboratoires du réseau. Daniel Gillet, de la Direction des sciences du vivant du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), et responsable de l'animation du programme interministériel de recherche NRBC, a animé cette session. Les cinq conférences étaient centrées cette année sur les perspectives en matière de prise en charge thérapeutique et d'identification des résistances aux traitements. Ces exposés, scientifiquement très bien argumentés, et les nombreuses présentations affichées (15 cette année) ont permis de mettre en valeur les stratégies poursuivies par les différents projets de recherche en cours dans le domaine, notamment par le programme interministériel de recherche NRBC codirigé par le CEA et la Direction Générale de l'Armement (DGA) sous l'égide du Secrétariat Général à la Défense et la Sécurité Nationale (SGDSN). Ils ont également permis de souligner l'importance pour ces recherches, de pouvoir déboucher sur des solutions concrètes et, pour certaines industrialisables, visant à améliorer notre capacité de défense et à anticiper sur les risques et menaces.

En somme, ce septième séminaire, comme les précédents, a permis de répondre aux objectifs assignés au Conseil Scientifique du Réseau national des laboratoires Biotox-Piratox : susciter des occasions de rencontres et d'échanges entre les laboratoires du réseau, assurer une information scientifique et technique sur les différents aspects relevant des missions du réseau. On a regretté que des aléas météorologiques aient empêché la démonstration dynamique préparée par l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et perturbé la présentation statique du véhicule d'intervention Biotox-Piratox (VIBP) de la gendarmerie. Ce projet sera repris dans un prochain séminaire avec la découverte du premier exemplaire du Véhicule de détection d'identification et de prélèvement (VDIP) de la protection civile.

Ces séminaires sont destinés aux membres du réseau et aux différents responsables de la direction et de la conduite des opérations d'intervention en situation de crise. Ils sont largement ouverts aux partenaires européens dont la présence et les interventions enrichissent les débats en faisant part de leurs propres organisations et de leurs expériences. Le conseil scientifique s'en félicite et souhaite que année après année les laboratoires du réseau s'approprient encore davantage le séminaire en y présentant leur propre expérience et que la participation de partenaires européens aux activités du réseau se poursuive et s'intensifie.



Accueil EuroReference
Langue: Francais
Langue: Anglais
Accueil EuroReference
www.anses.fr
Actualités
Télécharger/imprimer l'article (PDF)