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Vers une norme européenne de surveillance et de dépistage de Clostridium botulinum s'appuyant sur des outils moléculaires élaborés dans le cadre des projets de recherche européens Biotracer et AniBioThreat et des programmes NRBC


C. Woudstra (1), R. Knutsson (2), P. Fach (1)

(1) Anses, Laboratoire de sécurité des aliments, Maisons-Alfort, France
(2) SVA (National Veterinary Institute), Department of Bacteriology, Uppsala, Suède

C. Woudstra, R. Knutsson, P. Fach (2012).
Vers une norme européenne de surveillance et de dépistage de Clostridium botulinum s'appuyant sur des outils moléculaires élaborés dans le cadre des projets de recherche européens Biotracer et AniBioThreat et des programmes NRBC, EuroReference, No. 7, ER07-12RE01.
http://www.ansespro.fr/euroreference/numero7/PN5001.htm
Clostridium botulinum est responsable de la paralysie flasque aiguë botulique chez l'homme, principalement par botulisme alimentaire (Rebagliati, Philippi et al. 2009), botulisme infantile (King, Popoff et al. 2010), botulisme d'inoculation et botulisme infectieux chez l'adulte (Schroeter, Alpers et al. 2009). Le botulisme alimentaire est lié à une intoxication alimentaire provoquée par l'ingestion de neurotoxine botulique préformée (BoNT) (Rebagliati, Philippi et al. 2009). Les bactéries Gram-positives anaérobies C. botulinum produisent sept neurotoxines botuliques différentes (A à G) en fonction de leurs propriétés antigéniques (Gimenez 1976). Les toxines de type A, B, E et F sont essentiellement responsables du botulisme humain, tandis que les toxines de type C et D sont davantage impliquées dans le botulisme animal (Popoff 1995). C. botulinum forme quatre groupes génotypiquement et phénotypiquement distincts, désignés par les chiffres I à IV (Smith 1988). Les bactéries du groupe I (C. botulinum protéolytique) et celles du groupe II (C. botulinum non protéolytique) provoquent principalement le botulisme humain. Celles du groupe III (types C et D) sont responsables du botulisme animal et celles du groupe IV, également connues sous le nom de C. argentinensis, ne sont habituellement associées à aucune maladie (Hatheway 1995). Deux autres espèces de Clostridium, C. baratii (type F) et C. butyricum (type E) peuvent également produire des neurotoxines botuliques (McCroskey, Hatheway et al. 1986; McCroskey, Hatheway et al. 1991). Tous les sous-types de BoNT agissent au niveau de la jonction neuromusculaire, bloquant la libération d'acétylcholine en perturbant le mécanisme d'exocytose et provoquant une paralysie flasque (Poulain, Lonchamp et al. 2009). Le botulisme étant une maladie mortelle, un diagnostic rapide est la clé de la réussite du traitement. La détection de la toxine dans le sérum et/ou les selles du patient par le test de létalité sur souris demeure la technique de référence (Kautter and Solomon 1977). Le test biologique de létalité sur souris est suivi d'une séroneutralisation qui permet d'identifier le type de toxine avec une grande précision, parmi les 7 types de toxine existants. Le test biologique sur souris présente toutefois plusieurs inconvénients : il est chronophage, coûteux et soulève des questions éthiques en lien avec l'utilisation d'animaux. Quant à la séroneutralisation, des antisérums équins sont commercialisés par le NIBSC (division de l'Agence britannique de protection de la santé), mais seule une poignée de laboratoires est équipée pour réaliser des tests biologiques sur souris dans le cadre d'analyses de routine. Le test de séroneutralisation permet de révéler la présence de BoNT dans des échantillons cliniques et alimentaires et d'identifier le type de toxine ; un résultat négatif n'exclut cependant pas la possibilité d'un botulisme, la toxine pouvant être dégradée rapidement. De plus, pour des raisons d'éthique, l'utilisation du plus petit nombre possible de tests sur souris constitue également une demande de la part des laboratoires qui interviennent dans la détection des Clostridium producteurs de BoNT.

Les recherches se sont ainsi portées sur la mise au point de techniques biologiques alternatives rapides, spécifiques et fiables permettant d'identifier les
Clostridiums producteurs de BoNT. La toxine botulinique peut être détectée au moyen de diverses techniques, y compris le dosage par immunosorbant lié à une enzyme (ELISA) (Abbasova, Ruddenko et al. 2011) ou le dosage par fixation à des récepteurs à activité endopeptidase (EARB) (Evans, Skipper et al. 2009). Un autre nouveau concept exploite le clivage de peptides de synthèse par les BoNT, suivi de la détection des peptides résultants par désorption/ionisation de matrice par laser (MALDI) et/ou spectrométrie de masse (MS) avec ionisation par électronébulisation (ESI) (Boyer, Moura et al. 2005). Cette technique, dénommée Endopep-MS, a été utilisée avec succès pour la détection des sept sérotypes de BoNT dans une solution tampon et les limites de détection des BoNT /A, /B, /E et /F se sont révélées inférieures à celles obtenues avec le test biologique sur souris. Une évolution de la technique Endopep-MS, incluant une étape de purification par immunoaffinité, a été utilisée pour détecter les BoNT /A, /B, /E et /F dans des échantillons de sérum et de selles humains (Kalb, Moura et al. 2006). Les techniques de détection moléculaire reposant sur l'ADN sont également reconnues comme des tests diagnostiques avantageux. Bien qu'ils ne pallient pas l'inconvénient de la détection des bactéries et non des toxines, les tests à ADN présentent l'avantage d'être rapides, simples et hautement spécifiques. Les tests reposant sur l'amplification en chaîne par polymérase (PCR) offrent une alternative fiable pour le dépistage des gènes codant les neurotoxines, révélant ainsi la présence de C. botulinum et d'autres Clostridium producteurs de BoNT dans les colonies bactériennes, les cultures pures en milieu liquide et les enrichissements d'échantillon, sans recourir à des animaux de laboratoire (Fach, Gibert et al. 1995; Fach, Fenicia et al. 2011).

Le botulisme constitue une menace pour les producteurs et les consommateurs de denrées alimentaires, mais la dispersion volontaire de neurotoxines botuliques sous forme d'aérosols ou la contamination de la chaîne alimentaire par ces bactéries à des fins de bioterrorisme est une source d'inquiétude (Arnon, Schechter et al. 2001; Wein and Liu 2005).
C. botulinum a été classé par le CDC (Centre américain pour le contrôle et la prévention des maladies) comme agent de catégorie A et a été intégré à la liste des agents biologiques du Groupe australien (AG). Cette espèce, de même que d'autres Clostridium producteurs de BoNT, se sont révélés susciter de profondes inquiétudes au niveau mondial, malgré une importante sous-déclaration due au fait que de nombreux laboratoires sont incapables d'isoler, d'identifier et de caractériser ces espèces. La mise à disposition de techniques rapides et spécifiques permettant de tester les Clostridium producteurs de BoNT constitue un préalable à l'établissement de programmes de surveillance destinés à dépister les contaminations par C. botulinum chez l'animal et dans l'alimentation. La conception récente de tests diagnostiques reposant sur l'amplification multiplex d'acides nucléiques et sur la détection par microfluidique sur des plates-formes normalisées utilisables dans les services hospitaliers ou les laboratoires de santé publique apporte de nouveaux outils pour l'évaluation des risques de santé publique associés aux souches de Clostridium productrices de BoNT.

Pour améliorer la surveillance ainsi que l'évaluation des menaces par leur reconnaissance, différents projets de recherche se sont organisés en Europe, tels les projets européens BIOTRACER (
www.biotracer.org) et AniBioThreat (www.anibiothreat.com) ou les programmes CBRN (chimique, biologique, radiologique et nucléaire). BIOTRACER a été conçu sous la forme d'un projet intégré, dans le cadre du sixième programme-cadre de l'Union européenne, dans l'aire de recherche intitulée Qualité et sécurité des aliments (FP6-2006-Food-036272). Intitulé « Improved bio-traceability of unintended micro-organisms and their substances in food and feed chains » (Amélioration de la biotraçabilité des micro-organismes indésirables et de leurs substances dans les chaînes alimentaires humaine et animale), ce projet a pour objectif de créer des outils et des modèles en vue de l'amélioration de la surveillance des contaminations microbiennes accidentelles et volontaires dans l'alimentation animale et humaine, y compris l'eau en bouteille. AniBioThreat est un autre projet européen qui a été financé en 2010, pour trois ans, par la Commission européenne (DG Justice, liberté et sécurité). Intitulé « Bio-preparedness measures concerning prevention, detection and response to animal bio-terrorism threats » (Mesures de préparation biologique pour la prévention, la détection et la réponse aux menaces de bioterrorisme animal), ce projet s'intéresse plus précisément aux menaces de bioterrorisme animal. L'objectif du projet AniBioThreat est d'améliorer la capacité de l'UE à contrer les menaces de bioterrorisme animal en matière de sensibilisation, de prévention et d'éventualités. Il se concentre plus particulièrement sur les menaces faites aux animaux vivants, à l'alimentation animale et aux aliments d'origine animale. Quant aux programmes CBRN, la Direction des sciences du vivant du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) est engagée dans un effort national afin de répondre à un besoin urgent de sécurité face aux menaces biologiques et de proposer des techniques et des ressources biologiques permettant de diagnostiquer et/ou de détecter des agents de bioterrorisme tels que C. botulinum. Dans le cadre des projets de recherche européens BIOTRACER et AniBioThreat et du programme interministériel NRBC, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été sollicitée pour prendre part à la lutte contre le bioterrorisme en améliorant le dépistage et la surveillance des contaminations accidentelles et volontaires par C. botulinum dans la chaîne alimentaire.. C'est dans ce but qu'elle a mis au point de nouvelles techniques rapides de détection des acides nucléiques reposant sur des tests par PCR en temps réel. L'accent a notamment été mis sur la simplicité d'utilisation de ces techniques. Les techniques élaborées dans le cadre de ces projets doivent permettre de détecter et de répondre à des épidémies liées à des contaminations accidentelles et volontaires de l'alimentation animale et humaine par des Clostridium producteurs de BoNT.
Recherche
Une gamme d'outils de détection intégrant des techniques de dépistage des agents du botulisme et des incidents associés est nécessaire pour améliorer le dépistage et la surveillance des contaminations accidentelles et/ou volontaires de la chaîne alimentaire par des Clostridium producteurs de neurotoxines botuliques. La complexité de cette menace nécessite la mise au point de techniques de détection ciblant des marqueurs génétiques hautement spécifiques ainsi que leur évaluation, dans le cadre d'essais inter-laboratoires à l'échelle européenne, pour l'harmonisation d'un solide système de dépistage et de surveillance. Lors de différents projets de recherche européens, des tests de détection spécifiques par PCR en temps réel ont été élaborés pour la détection des types A, B, E et F de C. botulinum responsables du botulisme humain, ainsi que des types C, D de C. botulinum et des types mosaïques C/D et D/C associés dans le botulisme animal. Ces tests ont été intégrés dans un système prêt à l'emploi et simple d'utilisation, sous format GeneDisc® (Pall-GeneDisc® Technologies), qui a été évalué lors d'essais inter-laboratoires menés à l'échelle européenne. Les résultats obtenus se sont révélés spécifiques et fiables ; cette méthode a ainsi été proposée au Comité européen de normalisation (CEN/TC 275/WG 6/TAG 3) comme technique internationale de référence pour le dépistage et la surveillance des types A, B, E et F de C. botulinum dans la chaîne alimentaire.
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